Mercredi 8 avril pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés ;

 
καὶ ἄφες ἡμῖν τὰ ὀφειλήματα ἡμῶν, ὡς καὶ ἡμεῖς ⸀ἀφήκαμεν τοῖς ὀφειλέταις ἡμῶν· (kaì áphes hêmîn tà opheilếmata hêmỗn, hôs kaì hêmeîs aphêkamen toîs opheilétais hêmỗn·)
Et remets-nous nos dettes, de même que nous aussi avons remis à nos débiteurs, trad. Simone Weil

7 Qui de vous, s’il a un serviteur qui laboure ou fait paître les troupeaux, lui dira, quand il revient des champs :
Viens tout de suite te mettre à table
8 Ne lui dira-t-il pas au contraire : Prépare-moi le repas, mets-toi en tenue pour me servir, jusqu’à ce que j’aie mangé et bu ; après cela, toi, tu mangeras et boiras.
9 Aura-t-il de la reconnaissance envers ce serviteur parce qu’il a fait ce qui lui était ordonné
10 Vous de même, quand vous avez fait tout ce qui vous a été ordonné dites : Nous sommes des serviteurs inutiles, nous avons fait ce que nous devions faire.
Luc 17, 7-10

En préférant la notion de « dette » plutôt que celle qui nous est plus habituelle « d'offense » ou de « péché », Simone Weil est d'abord cohérente avec la seule autre référence du grec « opheilema » dans la lettre de Paul aux Romains qui renvoie effectivement à cette idée de ce qui est dû (Romains 4, 4).

Mais bien plus profondément, en ne plaçant pas l'humain dans une position de « pécheur » par rapport à Dieu mais bien plutôt de « débiteur », c'est une toute autre vision anthropologique qu'elle propose. C'est reconnaître que nous ne sommes pas les maîtres du monde et que le monde nous précède toujours, qu'il est toujours déjà là, bien avant que nous n'en ayons même conscience. Et, en même temps ce monde ne nous doit rien, c'est nous qui devons être reconnaissants de la Vie que nous avons reçue.

Ce que nous faisons ensuite de cette vie reçue nous concerne et est de notre responsabilité. Qu'il s'agisse de lutter contre les injustices qui brisent l'égalité en droit de tout être humain quels que soient son origine, son genre, son statut social ou contre toutes les entraves aux libertés individuelles et collectives fondamentales, c'est cela se reconnaître débiteur envers Dieu.

Lui demander de « nous remettre nos dettes », c'est avant tout une prise de conscience de notre responsabilité envers le monde et l'humanité. Non pas de manière abstraite mais bel et bien par une solidarité active en refusant de laisser agir en nous le mal qui n'est autre que la volonté de puissance et de domination de l'autre, autrement dit prétendre ne rien devoir qu'à soi-même. « Lui demander de remettre nos dettes, c'est lui demander d'effacer le mal qui est en nous. Le pardon, c'est la purification. » (Le Notre Père, p. 49).

Le critère de l'action bonne, c'est sa complète gratuité. Il ne s'agit pas de faire le bien ou de s'abstenir du mal pour en revendiquer ensuite une quelconque récompense. Il ne faut pas faire le bien pour obtenir en retour (de la reconnaissance, du mérite voire le salut) mais faire le bien pour lui-même sans rien attendre en retour.

Ceux qui aujourd'hui nous soignent dans l'épidémie, ceux qui enseignent à nos enfants à distance, ceux qui assurent leurs missions de logistique, d'intendance, d'information et de sécurité n'attendent pas d'être considérés comme des héros. Ils attendent des moyens pour faire ce qu'ils ont à faire du mieux qu'il leur est possible, ce qu'ils ont choisi de faire et qu'ils font avec une grande conscience professionnelle et humaine, faire ce qu'ils doivent à leurs patients, leurs élèves.

Prier le Notre Père, c'est reconnaître que nous sommes tous les débiteurs les uns des autres et que nous devons donner à chacun ce qui lui est dû pour qu'il puisse accomplir sa mission dans l'intérêt général, c'est un véritable choix de société.
 
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En période de confinement et alors que nous sommes appelés à prier les uns pour les autres ainsi que pour les malades du Covid-19 ainsi que les soignants et tous les services d'urgence qui nous aident à surmonter cette situation, il est utile de réfléchir au sens de nos prières et d'abord de la plus connue d'entre elles, le Notre Père que l'on trouve dans l'évangile de Matthieu au chapitre 6.

C'est avec la philosophe Simone Weil que nous vous proposons chaque jour, une méditation explication de nos demandes.

Mercredi 8 avril pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés;


Il s'agit ici de la version liturgique traditionnellement en usage dans nos Églises protestantes.

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