Mardi 7 avril Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour;

 
τὸν ἄρτον ἡμῶν τὸν ἐπιούσιον δὸς ἡμῖν σήμερον· (tòn árton hêmỗn tòn epioúsion dòs hêmîn sếmeron·)
Notre pain, celui qui est surnaturel, donne-le-nous aujourd'hui, trad. Simone Weil

1 Alors Jésus fut emmené par l’Esprit dans le désert, pour être tenté par le diable.
2 Il jeûna quarante jours et quarante nuits, puis il eut faim.
3 Le tentateur s’approcha et lui dit : Si tu es Fils de Dieu, ordonne que ces pierres deviennent des pains.
4 Jésus répondit : Il est écrit : L’homme ne vivra pas de pain seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu.
Matthieu 4, 1-4
(…)
27 Travaillez, non en vue de la nourriture qui périt mais en vue de la nourriture qui subsiste pour la vie éternelle, celle que le Fils de l’homme vous donnera ;
(…)
35 Moi, je suis le pain de vie. Celui qui vient à moi n’aura jamais faim, et celui qui croit en moi n’aura jamais soif.
Jean 6, 22-35

Simone Weil se démarque ici radicalement de la tradition en traduisant le grec « epiousion », que nous traduisons habituellement par « de ce jour » ou « quotidien », par « surnaturel », c'est-à-dire dans son esprit « transcendant ».

Nous sommes là au cœur de sa lecture biblique allégorique. Grande lectrice de l'évangile de Jean, elle lit l'épisode du « pain de vie » au chapitre 6 comme décrivant l'action du Christ dans notre vie. Elle distingue les nourritures terrestres, au-delà même du pain, tout ce qui nous motive dans l'existence et nous donne la force de nous lever le matin pour accomplir les gestes du quotidien.
« tout ce qui met en nous de la capacité d'agir est comme du pain » (Le Notre Père, p. 42)

Mais cela ne suffit pas, nous ne pouvons nous contenter des satisfactions matérielles, des choses de ce monde. L'humain est un animal qui a les pieds sur terre, la tête dans les étoiles et le cœur au ciel. Nous avons besoin de quelque chose qui nous dépasse et donne un sens éternel aux choses que nous réalisons et espérons. Ce n'est rien d'autre que cette quête permanente de tout être humain que de rechercher le sens de sa vie et la sagesse comme étant la bonne manière d'y parvenir.

Ce débordement du sens, cet essentiel qui donne toute sa valeur à nos existences peut manquer cruellement au point qu'il est possible de « mourir de chagrin. C'est comme mourir de faim. » (p. 42) au sens matériel et au sens spirituel. Et dans sa lecture du Notre Père Simone Weil inverse le sens des priorités, le pain spirituel, le « pain du ciel » lui est plus essentiel que le « pain d'en-bas ». Celui-ci peut manquer et dépend entièrement des contingences de l'époque tandis que celui du ciel nous est promit et agit en nous car ce pain « est une énergie transcendante dont la source est au ciel, (et agit) par l'intermédiaire de notre âme et de notre corps » (p. 43).

Demander à Dieu notre pain, ce n'est pas lui demander d'assurer l'intendance de notre vie quotidienne mais de nous donner ce qui nous est vraiment essentiel et qu'il n'est pas en notre capacité de maîtriser. Demander à Dieu notre pain, c'est lui demander de nous donner la Parole qui nous transcende chaque jour et nous permette de dépasser nos préoccupations.

C'est-à-dire de nous donner le sens ultime de notre existence qui dépasse nos horizons et nous donne cette capacité d'agir entièrement au service des autres, particulièrement nécessaire aujourd'hui.

--------------------------------------------------------------
En période de confinement et alors que nous sommes appelés à prier les uns pour les autres ainsi que pour les malades du Covid-19 ainsi que les soignants et tous les services d'urgence qui nous aident à surmonter cette situation, il est utile de réfléchir au sens de nos prières et d'abord de la plus connue d'entre elles, le Notre Père que l'on trouve dans l'évangile de Matthieu au chapitre 6.

C'est avec la philosophe Simone Weil que nous vous proposons chaque jour, une méditation explication de nos demandes.

Mardi 7 avril Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour;

Il s'agit ici de la version liturgique traditionnellement en usage dans nos Églises protestantes.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire