Jeudi 9 avril Et ne nous soumets pas à la tentation, mais délivre-nous du mal.

καὶ μὴ εἰσενέγκῃς ἡμᾶς εἰς πειρασμόν, ἀλλὰ ῥῦσαι ἡμᾶς ἀπὸ τοῦ ⸀πονηροῦ.
(kaì mề eisenégkêis hêmâs eis peirasmón, allà rhûsai hêmâs apò toû ponêroû·)
Et ne nous jette pas dans l'épreuve, mais protège-nous du mal. trad. Simone Weil

6 L’Éternel dit à Caïn : Pourquoi es-tu irrité, et pourquoi ton visage est-il abattu ?
7 Si tu agis bien tu relèveras la tête, mais si tu n’agis pas bien, le péché est tapi à ta porte, et ses désirs (se portent) vers toi : mais toi, domine sur lui.
8 Cependant Caïn adressa la parole à son frère Abel et comme ils étaient dans les champs, Caïn se dressa contre son frère Abel et le tua.
9 L’Éternel dit à Caïn : Où est ton frère Abel ? Il répondit : Je ne sais pas ; suis-je le gardien de mon frère, moi ?
10 Alors Dieu dit : Qu’as-tu fait ? La voix du sang de ton frère crie du sol jusqu’à moi.
Genèse 4, 6-10

La récente transformation liturgique de la prière dominicale qui remplace « ne nous soumets pas » par « ne nous laisse pas entrer » est le signe d'un changement profond de mentalité religieuse. L'idée même d'un Dieu qui nous soumettrait à quoi que ce soit est devenue insupportable à nos esprits contemporains épris de liberté de faire ce qu'ils veulent et de penser ce qu'ils veulent au gré de leurs désirs du moment.

Or le grec « eisphero » inclut bien cette idée d'action volontaire, de geste dynamique mais, et c'est le sens que lui donne Simone Weil, au sens où on jette quelque chose dont on veut se débarrasser, que l'on abandonne comme un déchet derrière soi ou comme un enfant au coin d'un bois dans les contes de nos enfances. Cette peur de l'abandon est profondément existentielle pour chacun et chacune d'entre nous, surtout dans les moments les plus difficiles où nous ne sommes pas sûrs de passer le cap. « La seule épreuve pour l'homme, c'est d'être abandonné à lui-même à l'épreuve du mal » (Le Notre Père, p.50).

C'est la crainte d'un retrait de Dieu, comme celui qu'a pu ressentir Jésus sur la croix lorsqu'il s'écrie « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? » ou devant cette foule qui réclame sa mort. C'est la crainte d'être abandonné au moment où « tout fout le camp », lorsque les organisations se délitent, que les crises s'enchaînent sans que l'on ne sache plus réagir. C'est la peur du patient qui craint de ne pas être pris en charge correctement parce que le service des urgences est submergé. C'est la peur de manquer, la peur de ne compter pour rien, d'être tenu pour quantité négligeable, juste un numéro dans une longue liste de souffrances. C'est l'impuissance, c'est la fatigue, c'est l'envie de laisser filer, de laisser faire, c'est l'envie d'abandonner la lutte contre un « ennemi invisible », ce virus qu'on pense être « malin », comme s'il pouvait avoir une quelconque volonté et suivre un plan réfléchi.

« Ne nous laisse pas jeter l'éponge mais aide-nous à résister », à ne pas céder au découragement, à la lassitude, ne pas laisser filer et se laisser emporter par le flot du courant, « après moi le déluge et pourvu que je m'en sorte ». Le mal dont il est question n'est pas de l'ordre de l'interdit mais c'est de résignation et de découragement qu'il est question.

Prier le Notre Père aujourd'hui, c'est demander à Dieu, à la Vie, à tout ce qui nous nourrit et fonde notre espérance d'un lendemain meilleur, de nous donner le courage d'affronter la situation et de se rendre compte que nous ne sommes pas seuls mais au sein de réseaux de solidarité. Toutes ces initiatives, ces gestes concrets d'assistance, d'écoute, d'accompagnement entre voisins qui fleurissent à l'occasion de l'épidémie sont autant de prières actives, autant de germes pour un monde qui sera meilleur qu'il ne l'est aujourd'hui. Dans la certitude que Dieu ne nous abandonne pas dans les difficultés de l'existence mais qu'il nous aide à refuser toutes les résignations.

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En période de confinement et alors que nous sommes appelés à prier les uns pour les autres ainsi que pour les malades du Covid-19 ainsi que les soignants et tous les services d'urgence qui nous aident à surmonter cette situation, il est utile de réfléchir au sens de nos prières et d'abord de la plus connue d'entre elles, le Notre Père que l'on trouve dans l'évangile de Matthieu au chapitre 6.

C'est avec la philosophe Simone Weil que nous vous proposons chaque jour, une méditation explication de nos demandes.

Jeudi 9 avril Et ne nous soumets pas à la tentation, mais délivre-nous du mal.

Il s'agit ici de la version liturgique traditionnellement en usage dans nos Églises protestantes.

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