Heureux ceux qui sont persécutés à cause de la justice, car le royaume des cieux est à eux !

Dimanche 19 avril
Heureux ceux qui sont persécutés à cause de la justice, car le royaume des cieux est à eux !
(Makarioi hoi dediôgmenoi heneken dikaiosynês Hoti autôn estin hê basileia tôn ouranôn)

Car le royaume de Dieu, ce n’est pas le manger et le boire, mais la justice, la paix et la joie, par le Saint-Esprit. Celui qui sert Christ de cette manière est agréable à Dieu et approuvé des hommes. Ainsi donc, recherchons ce qui contribue à la paix et à l’édification mutuelle.
Romains 14, 17-19

Retour au présent avec la dernière béatitude qui reprend la formule conclusive, « le royaume des cieux » qui renvoie à la première béatitude quand « la justice » renvoie à la quatrième. Le texte est ainsi ouvert et clos par le même horizon du royaume. C'est d'ailleurs en raison de cet équilibre structurel que la neuvième béatitude « Heureux serez-vous lorsqu'on vous outragera… » ne peut pas être considérée comme faisant partie du texte d'origine. Outre la répétition du thème des persécutions et le fait qu'elle ne se trouve pas dans les manuscrits les plus anciens, elle s'incrit en réalité dans le contexte tardif des persécutions subies par les communautés latines.

La huitième et donc dernière béatitude reprend également ce thème central de la justice indissociable du royaume. Il ne peut y avoir de royaume des cieux sans justice, ici et maintenant, pour tous. Rappelons que la justice est d'un point de vue grec classique, la mesure qui revient à chacun selon son pouvoir, tandis que du point de vue hébraïque, la justice est la responsabilité envers les plus faibles. Pour les auditeurs de culture grecque des béatitudes, il était juste que les puissants reçoivent plus que les autres tandis que pour les auditeurs de culture juive, il était juste que les faibles reçoivent plus que les forts. Et ce en raison du fait, comme nous l'avons vu pour la quatrième béatitude, que justice et bonté sont indissociables, qu'il ne peut y avoir de justice sans amour.

Cette différence d'interprétation se retrouve encore aujourd'hui dans bien des discours religieux ou politiques. Pour certains, il est juste que les puissants méritent de recevoir plus que les autres parce qu'ils ont une plus « grande utilité sociale ». Pour d'autres, il est juste que les fidèles méritent une plus grande bénédiction parce qu'ils sont plus pieux.

Alors que Simone Weil nous rappelle que « l'Évangile ne fait aucune distinction entre l'amour du prochain et la justice. (…) la distinction entre la justice et la charité est notre invention, (…) seule l'identification absolue de la justice et de l'amour rend possibles à la fois d'une part la compassion et la gratitude, d'autre part le respect de la dignité du malheureux (…) par lui-même et par les autres » (L'Attente de Dieu, Seuil, 1977, p.125). Il ne saurait y avoir, dans cette perspective, de fidélité à l'évangile sans recherche incessante de cette dignité partagée par tous. Autrement dit encore, pas de royaume des cieux sans justice au sens hébraïque du terme.

Arrêtons-nous un instant sur ces « persécutés » qu'évoque notre béatitude. Le terme passif « dediôgmenoi » (ceux qui sont persécutés) dérive du verbe « dioko » qui, certes, signifie « persécuter » mais aussi « chercher ». Et c'est précisément ce verbe qu'utilise l'apôtre Paul quand il nous invite à rechercher « ce qui contribue à la paix et à l’édification mutuelle », à savoir « le royaume de Dieu (qui est) la justice, la paix et la joie, par le Saint-Esprit ». Avec le même zèle qu'il persécutait ( dioko) l'Église naissante, il l'invite à rechercher ( dioko ) le royaume de Dieu et sa justice.

Ceux qui sont persécutés parce qu'ils recherchent la justice du royaume des cieux sont ceux qui persévèrent parce qu'ils sont enracinés dans la conviction de l'amour inconditionnel de Dieu pour l'humanité. Ce sont ceux qui ne peuvent consentir aux inégalités et ne se résignent pas à la marche naturelle du monde et à ses nécessités. Ce sont ceux qui croient, au milieu de toutes les raisons de désespérance, en un monde nouveau. Ils sont heureux parce que ce monde est déjà présent au milieu d'eux, présent dans la parole du Christ.

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Durant la période du confinement, nous continuons à vous proposer des méditations quotidiennes. C'est une manière de réfléchir au monde que nous voulons construire ensemble après cette crise dont nous tardons encore à comprendre toutes les conséquences.

Après la méditation du Notre Père, revu et corrigé par Simone Weil, c'est avec les Béatitudes que nous continuons notre série.

Les méditations sont publiées chaque jour à 10h, elles peuvent aussi vous être envoyées chaque jour sur simple demande.

Samedi 11 avril, introduction "Quel est le sens des béatitudes ?"
Lundi 20 avril Quelles Béatitudes pour notre temps ?

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