Heureux ceux qui sont doux, car ils hériteront la terre !

Mardi 14 avril

Heureux ceux qui sont doux, car ils hériteront la terre !
(Makarioi hoi praeis Hoti autoi klêronomêsousin tên gên)

Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés, et je vous donnerai du repos.
Prenez mon joug sur vous et recevez mes instructions, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez du repos pour vos âmes. 
Matthieu 11, 28-29

La beauté poétique d'un texte tel que les Béatitudes est non seulement dans l'inspiration qu'il nous donne mais aussi dans sa structure propre. Ainsi les « doux » à qui s'adresse cette troisième béatitude sont directement liés aux « humbles de cœur » évoqués dans la première. C'est Jésus lui-même qui unit ces deux manières d'être lorsqu'il évoque le repos, c'est-à-dire la confiance et la sérénité, que nous pouvons trouver en lui et se présente lui-même comme « doux et humble de cœur », ce cœur dont nous avons vu dans la seconde béatitude qu'il est le lieu où s'écrit la loi de Dieu.

Cette troisième béatitude fait encore écho à la seconde, car la « terre » dont il est question est bien celle à laquelle aspirent les « endeuillés » loin de Jérusalem. « Hériter la terre » c'est promettre le retour à la Terre promise. Or la terre qui nous est promise est avant tout celle où la volonté de Dieu se réalise « sur la terre comme au ciel » (cf. la méditation sur le Notre Père).

La douceur évoque évidemment une attitude intérieure, une disposition compréhensible par tous sans distinction. Nul besoin de haute philosophie pour comprendre ce qu'est la douceur et ce qu'elle implique en terme de disponibilité à autrui, d'attention et de respect envers tout ce qui nous entoure. La vision du monde qui découle d'une attitude de douceur est aux antipodes des idéaux de compétition, d'affrontement ou de lutte de tous contre tous qui caractérisent notre époque. C'est aussi une leçon pour ceux qui portent le message de réconciliation, la bonne nouvelle de la consolation. La manière dont nous nous faisons les témoins de l'évangile, avec morgue et prétention ou avec compréhension et bienveillance, en dit souvent plus long que nos discours.

La douceur a cependant partie liée avec l'accomplissement de la volonté de Dieu et donc avec notre attitude éthique envers la terre. La terre dont nous hériterons n'est pas un espace géographique comme pouvaient l'espérer les exilés à Babylone mais c'est le monde dans lequel nous vivons. La terre au sens biblique est toujours comprise dans une perspective globale. C'est d'abord celle dont l'humanité est issue (Adam est né de « Adamah », la poussière), c'est ensuite le lieu que nous possédons (Nahalah, l'héritage), c'est l'espace social et politique de nos diverses appartenances, qu'elles soient sociales (notre ville, notre pays) ou symboliques (notre religion, notre association), c'est enfin notre planète entière (avec tous ses équilibres et déséquilibres environnementaux, sociaux et politiques).

Aujourd'hui que nous sommes confrontés à l'une des plus grandes crises que nous ayons connue, qui a des causes environnementales et aura des conséquences économiques, sociales et politiques que nous avons du mal à imaginer, la douceur de cette troisième béatitude est plus que jamais essentielle. Puisqu'il nous faut collectivement envisager d'autres rapports au monde et à la terre, l'attitude intérieure que nous adopterons sera déterminante. La troisième béatitude nous engage dans une toujours plus grande attention à l'autre. Une attention, non pas au sens d'une prévention contre une menace comme on ferait « attention à l'incendie » mais une attention au sens d'une profonde disponibilité à ce qui nous entoure en recherchant son bien.

« Être doux afin d'hériter la terre », c'est une consolation, au sens d'un encouragement et d'une inspiration comme nous l'avons vu pour la seconde béatitude, pour ceux qui, comme les exilés de Babylone ou les fidèles des premières communautés chrétiennes, pourraient craindre l'avenir. Un avenir dont il nous est pourtant promis l'héritage lorsque nous accomplissons la volonté de Dieu que nous savons être « aimez-vous les uns les autres ».

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Durant la période du confinement, nous continuons à vous proposer des méditations quotidiennes. C'est une manière de réfléchir au monde que nous voulons construire ensemble après cette crise dont nous tardons encore à comprendre toutes les conséquences.

Après la méditation du Notre Père, revu et corrigé par Simone Weil, c'est avec les Béatitudes que nous continuons notre série.

Les méditations sont publiées chaque jour à 10h, elles peuvent aussi vous être envoyées chaque jour sur simple demande.

Samedi 11 avril, introduction "Quel est le sens des béatitudes ?"
Lundi 20 avril Quelles Béatitudes pour notre temps ?

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