Heureux ceux qui ont faim et soif de justice, car ils seront rassasiés !

Mercredi 15 avril
Heureux ceux qui ont faim et soif de justice, car ils seront rassasiés !
(Makarioi hoi peinôntes kai dipsôntes tên dikaiosynên Hoti autoi chortasthêsontai )

Voici le jeûne auquel je prends plaisir : Détache les chaînes de l'injustice, Dénoue les liens de la servitude, Renvoie libres les opprimés, Et que l’on rompe toute espèce de joug ;
Partage ton pain avec celui qui a faim, Et fais entrer dans ta maison les malheureux sans asile ; Si tu vois un homme nu, couvre-le, Et ne te détourne pas de ton semblable.
Alors ta lumière poindra comme l’aurore, Et ta guérison germera promptement ; Ta justice marchera devant toi, Et la gloire de l’Éternel t’accompagnera.
Ésaïe 58, 6-8

Il peut paraître étrange d'associer la justice à la faim et à la soif et de promettre à ceux qui en sont affamés le rassasiement, tant la justice est de l'ordre de l'immatériel et parfois d'un inaccessible lointain. Mais c'est au contraire une manière d'affirmer que comme la faim et la soif, le manque de justice est une souffrance insupportable car elle fait partie, comme le pain et l'eau, des besoins fondamentaux de l'être humain. Il ne suffit pas de nourrir les corps et d'assurer leur survie car « l'homme ne vit pas de pain seulement » il a besoin de justice dans l'ensemble de ses rapports sociaux.

La crise sanitaire et économique que nous vivons pose cette question avec une terrible actualité. Car ce que nous appelons du beau mot de « justice » se traduit aujourd'hui par celui de « reconnaissance ». Reconnaissance envers tous ceux dont l'importance pour la continuité de la vie en société est rendue manifeste par l'urgence de la situation. Au-delà des catégories socio-professionnelles que l'on ne peut lister de peur d'en oublier, ce sont ces invisibles, ces anonymes, ces travailleurs souvent précaires ou en temps partiels subis qui auront permis que notre société surmonte cette crise. La reconnaissance que nous pouvons avoir envers eux est d'abord un remerciement. Celui de continuer à assumer leur métier dans les immenses difficultés de l'urgence. Mais la reconnaissance passe aussi par une reconsidération de la place du travail et des travailleurs dans notre société.

La justice ne peut se passer de dignité. Il n'est pas normal que des travailleurs ne tirent pas de leur travail la possibilité d'une vie décente, que leurs droits soient sacrifiés sur l'autel des profits ou que l'on se résigne à exploiter la misère, ici ou ailleurs. Lorsque la Bible hébraïque parle de justice, c'est avec le terme de « tsedeq » qui recouvre à la fois les notions de justice et de charité, de justice et de bonté. Il ne peut dans la Bible y avoir de justice sans prise de conscience de l'autre et de ses besoins. La « tsedaka » est bien plus que de la bienveillance et l'opposé de l'aumône, elle est, au contraire, prise de conscience de notre responsabilité envers l'autre. C'est la lutte individuelle et collective pour rétablir, préserver, maintenir l'autre dans sa dignité. Il ne peut y avoir de justice que pour soi-même. Tout être humain a faim et soif de justice, « la justice de l'homme est l'universalité de ce bien à réaliser pour tous et par chacun » (Armand Abécassis).

Lorsque Jésus parle de justice dans la quatrième béatitude, c'est cette conjonction entre justice et amour qu'il entend. Et il en fait une question centrale pour celui qui cherche le bonheur. En effet, la justice (dikaiosune en grec) est reprise deux fois, dans la quatrième et dans la huitième, à chaque fois avec une fonction conclusive de la série des trois précédentes. La justice est ainsi le couronnement de l'humilité de ceux qui se savent débiteurs envers autrui (première béatitude), de la patience de ceux qui sont dans l'attente d'un monde plus humain (seconde béatitude) et de l'attention envers l'autre de ceux qui sont dans l'attente de la réconciliation (troisième béatitude).

Quand nous crions famine de justice, que ce soit donc non seulement pour nous-mêmes mais aussi pour tous ceux qui contribuent à ce que notre société se maintienne par l'accord et la concorde entre ses membres.

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Durant la période du confinement, nous continuons à vous proposer des méditations quotidiennes. C'est une manière de réfléchir au monde que nous voulons construire ensemble après cette crise dont nous tardons encore à comprendre toutes les conséquences.

Après la méditation du Notre Père, revu et corrigé par Simone Weil, c'est avec les Béatitudes que nous continuons notre série.

Les méditations sont publiées chaque jour à 10h, elles peuvent aussi vous être envoyées chaque jour sur simple demande.

Samedi 11 avril, introduction "Quel est le sens des béatitudes ?"
Lundi 20 avril Quelles Béatitudes pour notre temps ?

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