Je suis venu non pour abolir, mais pour accomplir.

Dimanche 3 mai 2020 : 17 Ne pensez pas que je sois venu abolir la loi ou les prophètes. Je suis venu non pour abolir, mais pour accomplir. 18 En vérité je vous le dis, jusqu’à ce que le ciel et la terre passent, pas un seul iota, pas un seul trait de lettre de la loi ne passera, jusqu’à ce que tout soit arrivé. 19 Celui donc qui violera l’un de ces plus petits commandements, et qui enseignera aux hommes à faire de même, sera appelé le plus petit dans le royaume des cieux, mais celui qui les mettra en pratique et les enseignera, celui-là sera appelé grand dans le royaume des cieux. 20 Car je vous le dis, si votre justice n’est pas supérieure à celle des scribes et des Pharisiens, vous n’entrerez point dans le royaume des cieux.

17 οὐκ ἦλθον καταλῦσαι ἀλλὰ πληρῶσαι·
17 ouk êlthon katalûsai allà plêrôsai

5 Non que nous soyons par nous-mêmes capables de concevoir quelque chose comme venant de nous-mêmes, mais notre capacité, vient de Dieu. 6 Il nous a aussi rendus capables d’être ministres d’une nouvelle alliance, non de la lettre, mais de l’Esprit ; car la lettre tue, mais l’Esprit fait vivre.
2 Corinthiens 3, 5-6

Rarement, dans l'histoire, de si petits mots auront eu de si grandes conséquences. Nous avons vu tout au long de notre méditation du Décalogue que celui-ci est la charte du Royaume de Dieu et que chaque commandement est une application concrête du principe fondamental de la foi d'Israël et de celle de Jésus, à savoir « aimer Dieu de toute sa force, de toute sa pensée et de tout son cœur, et aimer son prochain comme soi-même ».

Or ce qu'il est convenu d'appeller les antithèses de Jésus « Vous avez entendu qu'il a été dit (…) mais moi je vous dis » ont été comprises comme une opposition entre la Loi et l'Évangile. Celui-ci se substituant purement et simplement à celle-ci. Plus grave encore, les docteurs de l'Église ancienne, jusque et y compris certains réformateurs du XVIe siècle, en ont déduit la substitution de l'Église à Israël. Reconnaître l'erreur manifeste de Martin Luther sur ce point est nécessaire tant ce courant de pensée à l'intérieur de l'Église a été l'une des justifications de l'antisémitisme médiéval, moderne et contemporain. Il faut le redire : la « nouvelle » alliance ne remplace pas l'alliance de Dieu avec son peuple. L'Église ne se substitue pas à Israël, elle en est l'approfondissement ou, pour le dire autrement, l'accomplissement.

Dénoncer l'antisémitisme chrétien est une chose, comprendre ses origines en est une autre et la théologie luthérienne de la substitution en est une. Celle-ci trouve d'ailleurs sa source dans le principe protestant lui-même. La théologie protestante est en effet née de l'intuition géniale de Martin Luther du salut par la grâce seule laquelle lui vient de son illumination à la lecture de l'épitre de Paul aux Romains où celui-ci explique que la loi (de Moïse) condamne tandis que la foi justifie. Une comparaison encore dramatisée par l'opposition, toujours de Paul, entre la « lettre qui tue et l'esprit qui vivifie » et les premiers chrétiens ont compris ces paroles de Paul mais aussi les « antithèses » de Jésus comme un remplacement : l'évangile, la grâce, la foi, l'amour, l'esprit, remplaçant la loi, le rite, l'observance, la justice, la lettre. Cette théologie de la substitution est morte à Auschwitz mais en tant que protestants, revendiquant cette gratuité paulienne de la grâce, nous avons une responsabilité particulière pour mieux comprendre le rapport entre ces différents termes.

Jésus introduit ses antithèses par un refus radical de l'abolition de la loi. Comme les Béatitudes qu'elles suivent immédiatement, elles se trouvent au début du Sermon sur la montagne dont nous avons vu qu'il constitue le condensé de son message, placé par Matthieu au début de son activité. Les antithèses sont comme les Béatitudes, des reprises des commandements, en tout cas tels qu'ils étaient compris en son temps. On constate ainsi qu'il n'y a que six antithèses au lieu de dix commandements.

« Non pour abolir, mais (ἀλλὰ) pour accomplir (πληρῶσαι)», les termes sont essentiels. Le « mais » de Jésus ne s'oppose pas à la loi mais justement à son remplacement, à son abolition. Est-ce à dire qu'il faudrait revenir aujourd'hui à une observance stricte, à la manière des fondamentalistes de tous bords ? « Accomplir » se dit en grec « pleroo » (πληρόω) qui a donné le substantif « pleroma (πλήρωμα) » d'où vient notre français « plérôme » lequel est devenu aujourd'hui « plénitude ». C'est donc de plénitude de vie, même confinée, qu'il sera question dans ces méditations des antithèses. Il ne s'agit pas de revenir aux pratiques anciennes ni de s'opposer à la théologie paulinienne mais de comprendre le sens et d'en dégager des principes d'intelligence et de vie, autrement dit « l'esprit ».

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De très nombreuses analyses circulent pour envisager le monde à venir, parfois dans des perspectives catastrophiques, parfois utopiques et parfois pleines d'espérance pour une monde plus généreux, plus fraternel en tout cas plus humain.

C'est cette dernière perspective que, ne voulant pas rester dans le contexte de l'actualité, mais rechercher du sens et des principes directeurs pour cette vie nouvelle qui nous attend, nous poursuivons avec vous nos méditations théologiques car nous sommes persuadés que "Penser Dieu, ce n'est pas autre chose qu'une certaine manière de penser le monde".

Après le Notre Père, les Béatitudes, le Décalogue, c'est maintenant les "antithèses" de Jésus (Vous avez entendu (…) mais moi je vous dis…" qui nous intéressent

Elles se trouvent dans l'évangile de Matthieu au chapitre 5, versets 17 à 48
 
Dimanche 3 mai 2020 : Je suis venu non pour abolir, mais pour accomplir.


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