Un vitrail par semaine, une éthique pour aujourd'hui - Accueillir l'étranger

14 janvier 2022 Accueillir l'étranger 

8-2 PEREGRINUS FUI ET HOSPITIUM MIHI DEDISTI.

Mt 25, 35 : j’étais étranger, et vous m’avez recueilli

Grec : ξένος ἤμην καὶ συνηγάγετέ με (gènos èmèn kai sunègageté me) 

Vulgate : hospes eram et collexistis me

Une femme sur le pas de sa porte accueillant un voyageur dont le dénuement est marqué par ses pieds nus.

 

Introduction générale au cycle des vices contra les vertus et des charités évangéliques

À ceux qui sauvent des vies en mer ou dans les montagnes et à ceux qui accueillent les « suppliants » de notre époque

L'universalité des œuvres de miséricorde se manifeste indépendamment de la qualité de ceux qui bénéficient de la grâce qui leur est faite. Il en va ainsi pour les malades qui ne peuvent être triés en fonction de leur pathologie mais uniquement en raison de leur urgence vitale. Il en va de même des étrangers au devoir d'hospitalité desquels nous ne pouvons déroger.

Il arrive en effet trop souvent que la notion même d'étranger soit euphémisée. C'est-à-dire édulcorée pour ne pas avoir à s'appliquer à tous les étrangers. Ainsi nos vitraux prennent-ils soin de préciser qu'il s'agit des peregrinus, sous-entendu des pèlerins dont la motivation religieuse justifie qu'on leur fasse l'hospitalité sans réserve. Et de même les plaquettes contemporaines précisent « les voyageurs » évoquant une idée de transit voire de tourisme. Notre œuvre de miséricorde reviendrait ainsi à veiller à bien accueillir les touristes et leurs devises ou les voyageurs de commerce pressés de mettre leur conscience en règle avec la foi.

Une fois encore le texte biblique nous empêche de nous faire une idée confortable de cet étranger. Il s'agit bien du xenos, de celui qui vient d'ailleurs et qui vient s'installer chez nous avec ses coutumes étranges, son mode de vie étranger et qui pour ne rien arranger n'a rien d'autre que la force de ses mains et sa volonté de vivre pour se rendre utile à la société qui l'accueille. C'est bien un immigrant, un immigré, de quelque nom que l'on l'appelle, qui est ici représenté et dont la place est endossée par le Christ.

Il est peu de sujet aussi clivant actuellement que les questions liées à l'immigration dans nos sociétés fatiguées et titubantes, n'ayant plus d'autres horizons que la continuation et le retour à un passé fantasmé. Accueillir l'étranger est une folie pour les uns, synonyme de décadence et de disparition, un devoir moral pour les autres n'hésitant pas à sacrifier leur temps et leur argent pour en sauver quelques-uns des cimetières que sont devenus les chemins de l'exil. L'étranger a de tous temps été considéré comme une menace mais les sociétés qui l'ont historiquement emporté sont celles qui étaient suffisamment sûres de leur propre culture pour être généreuses et accueillantes en sachant transmettre leur culture aux nouveaux arrivants.

L'obligation de traiter l'étranger « au milieu de toi comme l'un des tiens » remonte aux temps les plus reculés de la loi de Moïse (Lévitique 19, 34 par exemple) et jamais le récit biblique ne renvoie la faute aux étrangers qui auraient subverti le peuple d'Israël. C'est ce dernier qui oublie son Dieu et préfère le culte des idoles, oublie la Loi pour rechercher l'alliance avec les grandes puissances de l'époque. Comme les vertus, les œuvres de miséricorde sont à faire « ici et maintenant » sans que l'on puisse y trouver d'excuses pour retarder l'action et elles concernent tout le monde.

Cet étranger démuni et suppliant de recevoir un repos et un moyen de subsistance c'est aussi nous lorsque nous sommes déracinés de nos certitudes et de notre confort. Comme les Hébreux devaient se souvenir qu'ils avaient été étrangers au pays d'Égypte, il est bon de se souvenir que nombre d'entre nous descendons également d'immigrants au doux pays de France. Mais nous sommes aussi cette femme qui ouvre sa porte et veille à ce que l'immigrant de Calais ou le jeune mineur non accompagné jeté sur les routes aient un toit et peut-être un avenir.

Ainsi la Fondation de la maison du Diaconat de Mulhouse, bien connue dans le domaine médical, est-elle aussi par ailleurs en train de devenir l'un des principaux acteurs de l'accueil des Mineurs non accompagnés (MNA) dans le Grand Est considérant qu'il s'agit d'une urgence sociale et humanitaire car loin d'être une menace, il s'agit d'abord et avant tout d'enfants, d'individus n'ayant souvent pas choisi leur destin mais auquel il nous appartient de donner un avenir parmi nous avec nos valeurs républicaines, nos principes humanistes et nos vertus chrétiennes.

Roland Kauffmann


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