12 voeux en musique pour 2022 - 4

 Mercredi 29 décembre 2021

Cancer ou l'ouïe

La voix – Philippe Jacottet

Qui chante là quand toute voix se tait ? Qui chante
avec cette voix sourde et pure un si beau chant ?
Serait-ce hors de la ville, à Robinson, dans un
jardin couvert de neige ? Ou est-ce là tout près,
quelqu’un qui ne se doutait pas qu’on l’écoutât ?
Ne soyons pas impatients de le savoir
puisque le jour n’est pas autrement précédé
par l’invisible oiseau. Mais faisons seulement
silence. Une voix monte, et comme un vent de mars
aux bois vieillis porte leur force, elle nous vient
sans larmes, souriant plutôt devant la mort.
Qui chantait là quand notre lampe s’est éteinte ?
Nul ne le sait. Mais seul peut entendre le cœur
qui ne cherche la possession ni la victoire.



Mahler - Symphony No 1 in D major - Kubelik - YouTube

Esquissée dès 1884 à Cassel, l'essentiel de la première version de la Première Symphonie (en deux parties et en cinq mouvements) est réalisé de décembre 1887 à mars 1888. À cette époque, Mahler, âgé de 28 ans, est un chef d'orchestre très apprécié, assistant d'Arthur Nikisch à l'Opéra de Leipzig. Il profite des quelques jours de fermeture de l'opéra à la suite de la mort de l'empereur allemand Guillaume Ier pour revoir une « dernière fois » son travail.

La symphonie, qui selon Mahler doit provoquer chez autrui « mainte raison d'étonnement », ne parvient à être jouée nulle part. Cette déception et une brouille avec le directeur de l'Opéra de Leipzig causent la démission de Mahler à l'été 1888. Il se fait engager en septembre de la même année comme directeur de l'Opéra royal hongrois à Budapest. Après avoir remporté un succès considérable en donnant L'Or du Rhin et La Walkyrie, Mahler y crée sa symphonie le 20 novembre 1889 dans sa version originale terminée à Leipzig et présentée comme Poème symphonique en deux parties et cinq mouvements :

Première partie : 1) Introduction et Allegro commodo 2) Andante 3) Scherzo Deuxième partie : 4) À la pompes funèbres ; Attacca. 5) Molto appassionato

La Première partie est bien accueillie mais la deuxième plonge l'auditoire dans la stupeur et même l'indignation « Le cercle des amis de Mahler était très ému ; le public, dans sa majorité fermé comme d'habitude à toute nouveauté formelle, réveillé brutalement d'une hibernation somnolente. À l'attaque du dernier mouvement, une dame élégante assise à mes côtés laissa tomber tous les objets qu'elle tenait à la main » (Fritz Löhr, cité par Marc Vignal ).

Mahler est accusé de défier toutes les lois de la musique. « Son poème symphonique est vulgaire et insensé ». Les journaux hongrois, dont le Pester Lloyd, sont assez critiques. La Neue Pester Zeitung écrit : « Si l'on englobe le tout dans une impression d'ensemble, nous ne pouvons dire que la chose suivante : En ce qui concerne son éminente qualification en tant que chef d'orchestre, Mahler était non seulement parmi les premiers de son rang, il leur ressemble aussi par le fait qu'il n'est pas symphoniste… nous ne lui serons pas moins reconnaissants de ses efforts accomplis avec succès en tant que directeur d'Opéra et nous aimerions toujours le voir derrière son pupitre, à condition qu'il ne dirige pas ses propres compositions ».

En 1891, Mahler envoie la partition à l'éditeur Schott pour une publication, avec le titre Aus dem Leben eines Einsamen (« De la vie d'un esseulé »), sans résultat.

Du poème initial, face à l’incompréhension générale, le compositeur propose d’abord un programme détaillé en 1892. L'œuvre est ensuite créée à Hambourg le 27 octobre 1893 sous le simple titre « Titan », avec de nombreuses révisions et de nouvelles sections, y compris dans le deuxième mouvement Blumine. De nouvelles corrections ont lieu pour la première à Weimar, le 3 juin 1894. La quatrième création a lieu à Berlin le 16 mars 1896. Le manuscrit ne contient plus que quatre mouvements, le deuxième connu sous le nom de Blumine (« fleurettes ») ayant été retiré, et porte maintenant le nom de « Symphonie n o 1 », sans aucun sous-titre. Le public, dans une salle à moitié vide, siffle la symphonie. La critique est encore sévère. La symphonie est publiée en février 1899 par Joseph Weinberger (sans doute pour la création à Prague le 3 mars 1898) puis légèrement réorchestrée en 1903 pour une édition définitive en 1906 par Universal. Elle se présente désormais sous la forme d’une grande symphonie d’une cinquantaine de minutes, divisée en quatre mouvements. Mahler rejoue sa symphonie à intervalles irréguliers jusqu'à sa mort.

Le chef d'orchestre Bruno Walter, ami et grand interprète de Mahler, a transcrit la symphonie pour piano à 4 mains. 

Matthieu Denni 


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