Changer l'avenir et le passé ? la justice !

Au-delà de la dimension féministe à laquelle Le dernier duel, le dernier film de Ridley Scott, renvoie inévitablement, c'est d'abord de justice dont il y est question. 

En effet, l'enjeu de la confrontation entre Marguerite de Carrouges, Jean de Carrouges, son mari et Jacques le Gris, ami du précédent, racontée en trois volets dont les ressemblances et les dissemblances révèlent toute l'ambiguïté de la compréhension des sentiments et des intentions, est avant tout de "rendre justice". 

Et à une justice humaine, engluée dans ses contradictions et ses rapports de force et de pouvoir, où les intérêts des puissants et des institutions n'ont d'égales que la désinvolture et la résignation avec lesquelles les choses sont acceptées dans leur simple évidence, Jean de Carrouges oppose le jugement de Dieu, l'ordalie, le duel judiciaire dont l'issue est censé révéler la vérité puisque Dieu est le seul susceptible de la connaître et qu'il ne peut mentir, lui!

Nous voyons donc trois fois la même histoire mais racontée d'un point de vue différent et l'histoire est différente même si elle est toujours la même comme le fleuve de la vie qui est toujours identique mais toujours différent selon le moment où on le regarde et selon le point de vue que l'on adopte. Car tout coule mais il importe de ne pas s'y résigner et de ne pas laisser les choses couler ainsi que le voudrait Jacques le Gris. Marguerite et Jean, chacun à sa manière et pour ses raisons, vont refuser cette évidence qui voudrait que tout ce qui a toujours été continue simplement d'être. 

Et ils vont demander justice et en fonction de la justice qui sera rendue, le cours des évènements n'en sera certes pas changé, il y aura toujours eu trahison de Jean par Jacques et relation sexuelle entre Jacques et Marguerite. Mais la justice dira si cette relation était aussi ou non une trahison de Marguerite envers Jean. 

La justice passera et dira qu'il y a eu viol et ainsi le passé en sera fondamentalement changé malgré tout puisque l'évènement sera qualifié à posteriori. Ce qui est fondamentalement changé, c'est aussi l'avenir de chacun des protagonistes. À la mort promise en cas de défaite succède la vie, issue de la victoire certes, mais la vie de Jean et Marguerite sera profondément différente de celle qu'ils auraient eu si le silence l'avait emporté aux dépends de la justice. 

Ainsi, plus qu'un grand spectacle médiéval plaisant, Le dernier duel est aussi une réflexion profonde sur le refus de tout fatalisme et de toute résignation car ni l'avenir ni le passé ne sont écrits tant que la justice n'a pas dit son dernier mot.

Pour le groupe Pro-Fil de Mulhouse,

Roland Kauffmann

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