La Réformation à Mulhouse, une expérience singulière

 Article paru dans le Ralliement protestant, octobre 2021, p.10 

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Le 29 juillet 1523 paraît l'édit municipal fixant les nouvelles conditions d'exercice des services dans les diverses églises et chapelles de Mulhouse. Ordonnant que « nos prêtres et clercs (…) n'enseignent et n'annoncent que le Saint Évangile et la doctrine du Christ (…) de telle manière que Dieu soit loué, le peuple amélioré, la charité et la concorde chrétienne raffermies », cet édit du Magistrat de Mulhouse marque la date symbolique du passage de Mulhouse à la Réforme protestante.

Un processus plus qu'un basculement

Cette date ne suffit pas, à elle seule, à résumer l'ensemble du processus d'adhésion. Mulhouse ne devient pas protestante du jour au lendemain. D'autres dates sont importantes pour l'évolution vers le protestantisme, comme le 24 décembre 1528, date de parution d'un nouvel édit du Magistrat portant sur la réorganisation fondamentale du culte. Inspiré par le chapelain Augustin Gschmus, il insiste sur le fait que « l'office se déroule avec foi, compréhension et recueillement ».

La prédication sur les textes bibliques et non plus sur les textes des grands maîtres de la théologie médiévale, l'usage de l'allemand de manière à être compris par tous, en interdisant toute forme de « rapidité et bredouillage indicible » sont deux traits essentiels de la pratique du culte protestant ainsi posés.

Les questions doctrinales continueront à faire l'objet de débats, en interne dans la Ville et avec les alliés bâlois, jusqu'à l'adoption par Mulhouse de sa propre Confession de foi en 1537. C'est en réalité sur cette période, allant de 1523 à 1538, qu' « après bien des luttes et des difficultés sans nombre, le protestantisme évangélique est sorti vainqueur de la lutte et a réussi à s'implanter vigoureusement à Mulhouse » comme le résume l'historien Philippe Mieg1.

La laïcité mulhousienne

La Réforme mulhousienne a la particularité de n'être le fait ni de réformateurs extérieurs ni des pasteurs mais bien du « Magistrat », terme qui désigne collectivement le pouvoir exécutif mulhousien, composé du bourgmestre Jean-Oswald Gamsharst et du Conseil de la Ville. C'est à la mise en place d'une forme de constitution civile du clergé que l'on assiste. La Réforme, à Mulhouse comme ailleurs, peut être comprise comme l'émergence de la société civile et politique prenant l'ascendant sur l'autorité religieuse.

Lasse des nombreux débordements des religieux, la population mulhousienne impose au clergé une vie « de foi et de recueillement ». Augustin Gschmus du côté ecclésial et Jean-Oswald Gamsharst pour le Conseil, ceux grâce à qui « la Réforme a (…) imprimé à la ville de Mulhouse un caractère absolument propre »2 ont ainsi, plutôt qu'une prétendue théocratie, ont, au contraire, instauré une forme très moderne de laïcité. Une laïcité mulhousienne qui sera à l'honneur lors du culte de la Réformation du 31 octobre 2021 au temple [Saint-Paul] et dont la prédication sera assurée par l'historienne Valentine Zuber, spécialiste de l'histoire de la liberté religieuse en Europe occidentale et de la laïcité en France.

Roland Kauffmann

1 La Réforme à Mulhouse, Philippe Mieg, éditions Oberlin, 1948, p.151.

2 Ibid. p.151

[Originellement le culte de la Réformation devait avoir lieu dans le cadre de l'inauguration du temple rénové. Le chantier ayant pris du retard, le culte est déplacé au temple Saint-Paul, rue Hubner, le 31 octobre à 10h]

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