Musique pour Vendredi Saint

 Vendredi 2 avril 2021

VENDREDI SAINT

Le Caravage

Toutes les plaies sont au soleil
et Il meurt sous les yeux
de tous : sa mère même
sous sa poitrine, son ventre, ses genoux,
regarde Son corps souffrir.
L’aube et les vêpres Lui font de la lumière
sur les bras ouverts et l’Avril
attendrit Son exhibition
de Sa mort aux regards qui Le brûlent.

Pourquoi le Christ fut-il EXPOSÉ en Croix ?
Oh secousse du cœur au corps
nu du jeune homme… atroce
offense à sa pudeur crue…
Le soleil et les regards ! La voix
extrême a demandé pardon à Dieu
avec un sanglot de honte
rouge dans le ciel privé de son,
parmi ses pupilles fraîches et ennuyées
à Lui : mort, sexe et pilori.

Il faut s’exposer (est-ce cela qu’enseigne
le pauvre Christ cloué ?),
la clarté du cœur est digne
de tout mépris, de tout péché,
de la passion la plus nue…
(est-ce cela que veut dire le Crucifié ?
sacrifier tous les jours le don
renoncer tous les jours au pardon
se pencher naïvement sur l’abîme.)

Nous serons offerts en croix,
au pilori, parmi les pupilles
limpides de joie féroce,
découvrant dans l’ironie les gouttes
du sang qui coule de la poitrine aux genoux,
doux, ridicules, en tremblant
d’intelligence et de passion dans le jeu
du coeur brûlé par son feu,
pour témoigner du scandale.

Pier Paolo Pasolini

 

Carl Heinrich Graun „Der Tod Jesu " Passionsoratorium - YouTube

Né le 7 mai 1704, à Wahrenbrück, en Saxe, dans une famille de musiciens, Carl (ou Karl) Heinrich Graun étudie le chant à la Kreuzschule de Dresde, où il a pour maîtres Johann Zacharias Grundig et Christian Petzold ; il prend également des cours de composition auprès de Johann Christoph Schmidt. Encore adolescent, il compose plusieurs pièces sacrées. En 1725, le jeune Graun est engagé comme ténor à la cour ducale de Brunswick. Peu satisfait par les arias qu'il doit interpréter, il n'hésite pas à les réécrire ; il commence à composer des opéras et est nommé vice-maître de chapelle de l'Opernhaus am Hagenmarkt. Durant son séjour à Brunswick, il compose six opéras et deux Passions.

Graun devient en 1735 directeur de la musique du prince héritier Frédéric de Prusse (le futur Frédéric II) à Rheinsberg. À son avènement, en 1740, Frédéric le Grand charge Graun de rénover la troupe d'opéra italien de Berlin et de recruter des chanteurs en Italie. Graun compose une trentaine d'opéras italiens, dont deux, Montezuma (1755) et Merope (1756), sur des livrets du roi lui-même. Le 7 décembre 1742, le nouvel opéra de Berlin, la Königliche Hofoper Unter den Linden (auj. Staatsoper de Berlin), est inauguré avec son opéra Cesare e Cleopatra. Parmi ses ouvrages lyriques, mentionnons Rodelinda (1741), Artaserse (1743), Adriano in Siria (1746), Demofoonte (1746), Ifigenia in Aulide (1748), L'Orfeo (1752), Montezuma (1755). À l'instar du Messie de Haendel en Angleterre, sa cantate de la Passion Der Tod Jesu (1755), sera jouée tous les ans en Allemagne durant la semaine sainte pendant près d'un siècle et demi. Son Te Deum (1757) célèbre la victoire que la Prusse remporte à Prague. Carl Heinrich Graun meurt le 8 août 1759, à Berlin. Il laisse également des concertos pour clavecin, des sonates en trio...

Carl Heinrich Graun est l'un des principaux représentants de l'école préclassique de Berlin, à laquelle se rattachent également Carl Philipp Emanuel Bach, son frère aîné, Johann Gottlieb Graun, ainsi que Frédéric II lui-même. Sa musique mêle des concepts mélodiques et formels nouveaux et anciens. Ses opéras, très italianisants, empruntent quant à eux surtout au style napolitain.

*

En ce 26 mars 1755, pour le Mercredi Saint, toute la Chapelle royale est réunie dans la Cathédrale. Le compositeur, Carl Heinrich Graun, est dans le public. Les princes et les princesses de la famille royale sont là également...

Carl Heinrich Graun travaille pour le Prince Frédéric de Prusse depuis 1733. Il l'a suivi dans divers déplacements, puis à Berlin en 1740 lorsqu'il est devenu le roi Frédéric II. Graun a été nommé cette année-là Kapellmeister, et il s'ingénie depuis à répondre aux demandes de son maître. Le roi est passionné de musique, il joue de la flûte, et se produit quasiment chaque soir dans un petit concert privé mais il a une profonde aversion pour la musique religieuse.

Si le Roi n'aime pas la musique religieuse, ce n'est pas le cas de sa sœur benjamine Anna Amalia. Elle fait de la musique depuis son jeune âge, elle joue du luth, du violon et de la flûte, mais sa spécialité est le clavier, d'abord le clavecin et depuis peu l'orgue, qui l'enthousiasme. Elle prend aussi des leçons de composition. L'année passée en 1754, elle a entendu une Passion de Graun, de ses années de jeunesse, elle a voulu elle-même en composer une, et elle a demandé un livret à un poète berlinois Karl Wilhelm Ramler. Elle a mis quelques numéros en musique, mais pour une raison ou une autre, elle n'a pas terminé et Carl Heinrich Graun a pris la relève. Il l'achève en février 55.

Après l'audition privée de Der Tod Jesu de Graun chez le prédicateur de la cour, une répétition générale publique a lieu le 25 mars, en présence de la reine, avec une assistance étonnamment nombreuse. Puis le lendemain c'est la création le mercredi Saint, "en présence des princes et princesses de la maison royale". Le journal Berlinische privilegirte Zeitung nous dit que "la composition était de Monsieur le maître de chapelle Graun, un maître qui fut déjà trop souvent admiré, pour qu'on ne puisse s'imaginer les acclamations qu'il obtint de tous, même de eux qui n'étaient capables que de peu de sentiments. La poésie avait Monsieur Ramler pour auteur, et elle était absolument digne de la musique ; l'exécution même rendit honneur aux musiciens, qui procurèrent ce plaisir recueilli au public."

Matthieu Denni 

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