Un vitrail par jour 25

2 décembre la véritable lumière

L'Enfant Jésus présenté au temple au Temple. Un vieillard, sans doute Siméon, tient l'Enfant et le donne à Marie. À l'arrière plan, l'autel, au-dessus duquel est suspendue une lampe. Derrière Marie, une autre femme nimbée, probablement la prophétesse Anne, avec un pigeon : la loi mosaïque prescrivait pour les premiers-nés l'offrande d'un pigeon.

Luc 2, 21-40

21 Le huitième jour, auquel l’enfant devait être circoncis, étant arrivé, on lui donna le nom de Jésus, nom qu’avait indiqué l’ange avant qu’il fût conçu dans le sein de sa mère. 22 Et, quand les jours de leur purification furent accomplis, selon la loi de Moïse, Joseph et Marie le portèrent à Jérusalem, pour le présenter au Seigneur, — 23 suivant ce qui est écrit dans la loi du Seigneur : Tout mâle premier-né sera consacré au Seigneur, — 24 et pour offrir en sacrifice deux tourterelles ou deux jeunes pigeons, comme cela est prescrit dans la loi du Seigneur. 25 Et voici, il y avait à Jérusalem un homme appelé Siméon. Cet homme était juste et pieux, il attendait la consolation d’Israël, et l’Esprit Saint était sur lui. 26 Il avait été divinement averti par le Saint-Esprit qu’il ne mourrait point avant d’avoir vu le Christ du Seigneur. 27 Il vint au temple, poussé par l’Esprit. Et, comme les parents apportaient le petit enfant Jésus pour accomplir à son égard ce qu’ordonnait la loi, 28 il le reçut dans ses bras, bénit Dieu, et dit : 29 Maintenant, Seigneur, tu laisses ton serviteur S’en aller en paix, selon ta parole. 30 Car mes yeux ont vu ton salut, 31 Salut que tu as préparé devant tous les peuples, 32 Lumière pour éclairer les nations, Et gloire d’Israël, ton peuple. 33 Son père et sa mère étaient dans l’admiration des choses qu’on disait de lui. 34 Siméon les bénit, et dit à Marie, sa mère : Voici, cet enfant est destiné à amener la chute et le relèvement de plusieurs en Israël, et à devenir un signe qui provoquera la contradiction, 35 et à toi-même une épée te transpercera l’âme, afin que les pensées de beaucoup de cœurs soient dévoilées. 36 Il y avait aussi une prophétesse, Anne, fille de Phanuel, de la tribu d’Aser. Elle était fort avancée en âge, et elle avait vécu sept ans avec son mari depuis sa virginité. 37 Restée veuve, et âgée de quatre vingt-quatre ans, elle ne quittait pas le temple, et elle servait Dieu nuit et jour dans le jeûne et dans la prière. 38 Étant survenue, elle aussi, à cette même heure, elle louait Dieu, et elle parlait de Jésus à tous ceux qui attendaient la délivrance de Jérusalem. 39 Lorsqu’ils eurent accompli tout ce qu’ordonnait la loi du Seigneur, Joseph et Marie retournèrent en Galilée, à Nazareth, leur ville. 40 Or, l’enfant croissait et se fortifiait. Il était rempli de sagesse, et la grâce de Dieu était sur lui.

Chaque 2 février, quarante jours après Noël, les crêpes font le délice des petits et des grands lors de la chandeleur. Plus personne ne sait, hormis ceux qui se rendent aussi dans les églises catholiques pour y faire bénir des cierges que cette date est surtout la fête de la purification de la Vierge le jour de la présentation au temple. Le texte de l'évangile ne fait pas mention d'une quelconque bougie mais la tradition a très rapidement dôté Marie d'une chandelle allumant le monde, chandelle représentée dans notre vitrail au-dessus du fils. Les processions et bénédictions de cierge sont ainsi un hommage marial en l'honneur de la purification de Marie alors même que selon notre auteur, n'ayant eu de cesse de nous expliquer qu'elle était pure de tout péché, elle n'en avait nul besoin.

Cette même tradition confond donc allégrement la purification de Marie quarante jours après l'accouchement et le rachat de Jésus, en tant que premier-né, conformément à la Loi de Moïse pour laquelle chaque premier-né mâle, humain ou animal, devait être consacré au Seigneur et dans le cas des enfants, devait être racheté par la substitution d'un couple de pigeons. Une pratique religieuse directement liée au souvenir de la sortie d'Égypte (Exode 13, 2 et 12-16).

Mais notre vitrail comme notre auteur, reprend bien les deux personnages évangéliques que sont Anne et Siméon, deux vieillards attendant la libération d'Israël, et non pas particulièrement de l'oppresseur romain mais bien plutôt de son infidélité récurrente. Alors même que lors de la présentation de Marie au temple (vitrail 13) c'est le Grand-prêtre qui officie, c'est ici ce mendiant de Dieu à la porte du temple qui prend le Fils de l'homme dans ses bras et bénit le Dieu tout puissant. Un contraste saisissant entre les deux scènes. C'est Siméon qui déclare que cet enfant est « Lumière du monde », celui qui luit dans les ténèbres qui ne l'ont pas reçu. L'évangile de Jean s'en souviendra lorsqu'il fera lui aussi de Jésus la Lumière du monde. C'est cette lumière qui devrait être fêtée lorsque sautent nos crêpes.

De la lumière terrestre à la lumière céleste

Comme Noël est la christianisation de l'ancienne fête du solstice d'hiver, la chandeleur est la perpétuation d'un rite romain, les Lupercales dont la fonction était d'annoncer la fin de l'hiver et le retour de la lumière en mangeant des crêpes, symboles du soleil revenu, mais évoquer Siméon, c'est aussi déjà annoncer la mort du Christ. En effet, la parole de Siméon, «  une épée te transpercera l’âme », est depuis saint Augustin comprise comme l'annonce de la tristesse de Marie devant la croix, une tradition que reprend et confirme notre auteur du Speculum. Mais surtout il explique en quoi il était nécessaire que Jésus soit présenté au temple, comme tout premier-né. Tout simplement parce qu'il fallait qu'il accomplisse la Loi dont il est venu révéler le véritable sens. C'est ainsi que bien que pure, Marie devait se purifier pour respecter l'ordonnance de la Loi, la véritable nature divine de l'enfant n'étant connue que d'elle, de son époux Joseph et donc maintenant de Siméon et de Anne.

Mais plus encore que cette apparence de respect légaliste, ce qui est ici en jeu, c'est la légitimité de la Loi. Notre auteur insiste en effet sur le fait que Marie « gardait très diligemment tout ce qui était de la Loi de Moïse ». Ce que Jésus adulte reprendra sur le thème « il vous a été dit et moi je vous dis... » affirmant par là qu'il n'est « pas venu pour abolir mais pour accomplir » (Matthieu 5, 17-48). C'est donc à une vraie reconnaissance de l'importance de la Loi que se livre notre auteur du Speculum. Nous verrons plus loin combien cette acceptation de la tradition juive sera battue en brèche, non pas tant par notre auteur que par l'artisan verrier, répondant sans doute aux préjugés de ses commanditaires. Ce décalage constant entre l'auteur et le verrier qui parfois suit servilement les reproductions du Speculum et parfois, s'en écarte largement est sans doute le signe d'une volonté, de la part du verrier, de plaire, soit à son public, soit à ceux qui le payent. Et nous verrons dans le prochain vitrail, un exemple manifeste de ce dévoiement si chrétien.

Roland Kauffmann

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