16 novembre – La restauration de l'avenir
La porte close du sanctuaire. Porte d'un château fortement verrouillée et cadenassée, surmontée d'une tour et flanquée de deux tourelles.
Ézéchiel 44, 1-3
1 Il me ramena vers la porte extérieure du sanctuaire, du côté de l’orient. Mais elle était fermée. 2 Et l’Éternel me dit : Cette porte sera fermée, elle ne s’ouvrira point, et personne n’y passera ; car l’Éternel, le Dieu d’Israël est entré par là. Elle restera fermée. 3 Pour ce qui concerne le prince, le prince pourra s’y asseoir, pour manger le pain devant l’Éternel ; il entrera par le chemin du vestibule de la porte, et il sortira par le même chemin.
Petit retour en arrière avec ce vitrail qui nous ramène au temps du prophète Ézéchiel, au VIe siècle avant notre ère. C'est aussi l'occasion d'une mise au point. Ce que nous cherchons aussi ici, c'est à rechercher non pas seulement le sens que pourraient ou devraient avoir nos vitraux dans une perspective théologique moderne ni même protestante mais le sens qu'ils avaient pour les contemporains de leur fabrication. C'est le texte du Speculum Humanae Salvationis dans sa traduction de Jean Miélot éditée par Jules Lutz et Paul Perdrizet et que l'un de nos membres bienfaiteurs met à notre disposition qui nous guide.
Il faut avoir ces différences de représentation du monde et de compréhension de la foi entre notre époque et celle de la réalisation de nos vitraux lorsqu'on cherche à les comprendre et en garder une forte humilité au moment d'en dégager le sens. La ligne directrice que nous suivons ici est de rester le plus proche possible du texte du Speculum en reprenant au plus près les termes de l'ouvrage.
Du sens d'origine à celui d'aujourd'hui
Expliquer le sens que pouvait avoir l'histoire du salut pour un théologien compilateur du XIVe siècle ne nous dispense cependant pas de la nécessaire distance critique propre à toute histoire de la théologie. Que peuvent encore signifier pour nous aujourd'hui ces vitraux ?
« Seul le prince pourra passer par la porte close » prophétise Ézéchiel dans sa vision de la Nouvelle Jérusalem et pour notre auteur du Speculum, ce « prince » n'est autre que le Christ lui-même : « Notre Seigneur pouvait lui seul passer par cette porte close ; En quoi apparaît la manière du merveilleux enfantement […] Jésus-Christ ne fut né ainsi que nous sommes nés [sous entendu sans sexualité]. Ce ne serait point merveille que d'ouvrir une porte et passer parmi, mais c'est merveillable de passer parmi une porte close ». L'auteur du Speculum a besoin d'insister justement sur ce « merveillable » et de souligner ainsi le miracle de la naissance de Jésus car sa préoccupation est celle de la virginité mariale qu'il lui faut légitimer théologiquement.
Pour nous aujourd'hui, c'est sans doute plus la vision d'Ézéchiel elle-même qui devrait nous intéresser. Contemporain de la chute de Jérusalem en 587, on peut dire d'Ézéchiel qu'il est un écrivain de la catastrophe dont il explique les raisons et les conséquences. C'est au sein même de cette atmosphère de fin du monde qu'il raconte le « Monde qui vient », non pas comme la continuation de la catastrophe ou un monde obscur et malheureux mais bien comme la restauration du monde, d'un monde qui sera plus juste et plus solidaire. Bien qu'extrèmement lucide sur les causes de la catastrophe et les dangers de l'avenir, Ézéchiel nous offre la vision de cette porte close comme une affirmation de la venue d'un monde qui, malgré les apparences, ne s'effondre ni ne s'écroule et que ce qui vient, ce fameux « monde d'après », sera finalement meilleur que celui que nous avons quitté.
Roland Kauffmann, 16 novembre 2020
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