Un vitrail par jour 7

14 novembre – L'annonce du libérateur

Le songe d'Astyage. Astyage, roi de Médie, voit en rêve un cep de vigne sortir de la poitrine de sa fille Mandane. Le roi, imberbe, est couché dans un lit; une couverture à carreaux, jaune avec bordure verte, le recouvre; il porte une chemise (ou camisole) rouge. Sa fille, debout derrière le lit, est habillée en violet.

« Cyrus, dit-on, eut pour père Cambyse, roi des Perses. Ce Cambyse était de la famille des Perséides, dont le nom vient de Persée. On s'accorde à lui [Cyrus] donner pour mère Mandane. Cette Mandane était la fille d'Astyage, roi des Mèdes. »

Cyropédie, Xénophon, livre I, 2, [1]

Vous n'avez jamais entendu parler d'Astyage ? Ni de Mandane sa fille, et encore moins de Cambyse ou de Cyrus ? C'est normal puisqu'il faut remonter au VIe siècle avant notre ère et être féru d'histoire de l'Antiquité pour comprendre les différences entre Perses, Mèdes, Mittaniens, Babyloniens ou Assyriens. Mais ni Ludolphe de Saxe, l'auteur de notre Speculum Humanae Salvationis ni les commanditaires de nos vitraux ni ceux qui les admiraient dans le chœur de l'ancienne église ne le connaissaient sans doute pas plus que nous.

Nous avons ici un exemple des sources extérieures à l'histoire du peuple hébreu. En effet, nulle trace dans la Bible de cette vision d'Astyage. La tradition de son rêve est apparue à partir des historiens romains et a été reprise par les théologiens chrétiens tout au long du Moyen-Âge et notre auteur reprend à son compte la tradition en bon vulgarisateur qu'il est. C'est pour la tradition chrétienne une manière de signifier l'universalité du pouvoir du Dieu d'Israël puisqu'en effet, le destin du peuple se joue en-dehors de lui.

Après l'invasion de la Terre Promise, le peuple s'est installé et des périodes de chaos et de grande gloire se sont succédées. Ainsi les règnes de David et de Salomon sont l'apogée de l'histoire d'Israël. Après Salomon, le royaume se divise avec, au sud, le Royaume de Juda dont Jérusalem reste la capitale et, au nord, le Royaume d'Israël avec Samarie pour capitale. Les deux royaumes versent un tribu aux grands empires dont les guerres ravagent la région. Samarie est détruite par les Assyriens et la population du royaume du nord entièrement déportée. Jérusalem sera détruite par les Babyloniens et une partie de sa population sera déportée à Babylone. C'est de Babylone que les prophètes bibliques annoncent la délivrance et le retour grâce à l'intervention du sauveur « choisi par Dieu pour sauver son peuple » : le Messie, de l'hébreu mashia que l'évangile de Jean traduit par Christ (Jean 1,41-42).

Cyrus, figure du Christ

Or c'est Cyrus, ce fameux petit-fils d'Astyage qui, unissant les Perses et les Mèdes, a vaincu les Babyloniens en 539 avant notre ère et libéré les captifs. Cyrus est le fondateur de cet empire Perse que les historiens grecs de l'âge classique dépeignent comme une affreuse tyrannie. Il n'en est pas de même pour les hébreux pour qui les Perses, et Cyrus en particulier sont des libérateurs, rendant à la ville et au peuple le droit de s'administrer lui-même et de célébrer son Dieu comme il l'entend. La Loi de Moïse est redécouverte et à nouveau appliquée, les murs sont rebâtis et le peuple d'Israël est à nouveau maître de son destin sous la domination de l'empereur Perse. Par la double image de Balaam décrivant l'Éternel comme le Dieu « fort et à bras étendu », plus fort que tous les autres, et de Cyrus, le roi étranger et pourtant libérateur, c'est l'action de Dieu qui est illustrée de manière éclatante. Un Dieu dont le pouvoir ne se limite pas au peuple mais s'impose sur tous les autres pouvoirs comme cela avait été déjà le cas sur celui du Pharaon refusant de laisser partir le peuple d'Israël.

C'est parce qu'il a libéré son peuple que l'Éternel peut exiger de lui qu'il respecte la Loi. Toute l'histoire biblique est entièrement fondée sur cette idée d'un Dieu libérateur qui a fait sortir son peuple d'Égypte, puis l'a libéré de tous ses ennemis en envoyant à chaque fois son élu : ce fut Moïse, ce fut Cyrus, ce sera Jésus. Voilà le message central qui va se déployer de multiples manières tout au long de nos vitraux.

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