Un vitrail par jour 6

13 novembre – Une étoile va naître

L'apparition à Balaam. Balaam, monté sur une ânesse, est arrêté par un ange armé d'une épée

Nombres 22, 21-31 ; 24, 16-17

21 Balaam se leva le matin, sella son ânesse, et partit avec les chefs de Moab. 22 La colère de Dieu s’enflamma, parce qu’il était parti ; et l’ange de l’Éternel se plaça sur le chemin, pour lui résister. Balaam était monté sur son ânesse, et ses deux serviteurs étaient avec lui. 3 L’ânesse vit l’ange de l’Éternel qui se tenait sur le chemin, son épée nue dans la main ; elle se détourna du chemin et alla dans les champs. […] La colère de Balaam s’enflamma, et il frappa l’ânesse avec un bâton. 28 L’Éternel ouvrit la bouche de l’ânesse, et elle dit à Balaam : Que t’ai je fait, pour que tu m’aies frappée déjà trois fois ? 29 Balaam répondit à l’ânesse : C’est parce que tu t’es moquée de moi ; si j’avais une épée dans la main, je te tuerais à l’instant. 30 L’ânesse dit à Balaam : Ne suis-je pas ton ânesse, que tu as de tout temps montée jusqu’à ce jour ? Ai-je l’habitude de te faire ainsi ? Et il répondit : Non. 31 L’Éternel ouvrit les yeux de Balaam, et Balaam vit l’ange de l’Éternel qui se tenait sur le chemin, son épée nue dans la main ; et il s’inclina, et se prosterna sur son visage. […] 24, 13 Quand Balak me donnerait sa maison pleine d’argent et d’or, je ne pourrais faire de moi-même ni bien ni mal contre l’ordre de l’Éternel ; je répéterai ce que dira l’Éternel ? 15 Balaam prononça son oracle, et dit : Parole de Balaam, fils de Beor, Parole de l’homme qui a l’œil ouvert, 16 Parole de celui qui entend les paroles de Dieu, De celui qui connaît les desseins du Très Haut, De celui qui voit la vision du Tout Puissant, De celui qui se prosterne et dont les yeux s’ouvrent. 17 Je le vois, mais non maintenant, Je le contemple, mais non de près. Un astre sort de Jacob, Un sceptre s’élève d’Israël.

Avec l'histoire de Balaam et son ânesse parlante, nous entrons dans des références méconnues. S'il n'est pas nécessaire d'être lecteur de la Bible pour avoir au moins entendu parler d'Adam et Ève, rares sont ces mêmes lecteurs de la Bible qui s'aventurent dans ces récits anciens des pérégrinations du peuple hébreu avant d'entrer en Palestine et beaucoup sont rebutés par le caractère épique et violent du livre des Nombres qui raconte ce prodige. Comme il arrivera fréquemment au cours de notre découverte du récit des vitraux, il faut rapidement résumer de quoi il s'agit.

Le peuple sorti d'Égypte est en vue de la Terre Promise, cette Palestine qui se dérobe encore à ses yeux après les quarante ans dans le désert. Mais avant d'y arriver, il faut encore vaincre les peuples qui en occupent les environs. Échaudé par la victoire contre Amalec, vaincu par Josué et Moïse avec l'aide de l'Éternel lors de la première approche de la Palestine (cf. Exode 17) Balak, roi du pays de Moab veut, lui, mettre toutes les chances de son côté et fait appel au prophète Balaam. Celui-ci, contre promesse sonnante et trébuchante, est prêt à maudire le peuple hébreu et assurer ainsi la victoire de Balak. Il en ira autrement. Convaincu par la présence de l'ange, au lieu de maudire, Balaam bénira Israël et annoncera une étoile sortie de son sein.

Outre la correspondance entre l'ânesse de Balaam et le « petit d'une ânesse » sur lequel Jésus entrera plus tard à Jérusalem, c'est d'abord l'annonce de « l'astre » qui intéresse l'auteur du Speculum. C'est déjà pour lui l'annonce de « la chambrette (!) de Dieu [qui allait] advenir. » mais c'est surtout le fait que la malédiction soit muée en bénédiction « ce par quoi le Saint-Esprit préfigurait que notre malédiction serait convertie en bénédiction. Et ce devait se faire moyennant une pucelle de laquelle la naissance était préfigurée en une étoile ».

Une étoile pour tous les peuples

Cette étoile annoncée déjà par Balaam est bien connue par nos contemporains à l'époque de Noël et nous verrons plus loin qu'elle a une importance capitale pour la compréhension des vitraux du temple Saint-Étienne. Le personnage de Balaam est peu connu mais il est captivant comme le sont ces prophètes qui ne font pas partie du peuple hébreu mais qui connaissent l'Éternel. Ainsi Melchisédek que rencontre Abraham (Genèse 14, 17-20) et qui sera considéré par les chrétiens comme une anticipation du Christ (cf. Hébreux 7). Balaam souligne lui aussi la dimension universelle du Dieu d'Israël. À l'époque héroïque de notre récit qui, rappelons-le, se situe vers le XIIIe siècle avant notre ère, c'est-à-dire à peu près contemporain de la guerre de Troie, tous les peuples du Proche et Moyen-Orient sacrifient aux mêmes dieux dont seuls les noms changent. Il n'est pas encore question d'un Dieu unique à l'exclusion de tous les autres mais d'une hiérarchie divine.

Balaam déclare ne pouvoir « faire autrement que d'obéir à l'Éternel (Yhvh יְהֹוָה) » alors qu'il « entend les paroles de Dieu (’el - אֵל), […] connaît les desseins du Très Haut (’elyown עֶלְיוֹן), [et] voit la vision du Tout Puissant (Shadday שַׁדָּי) », il affirme que ce Dieu là, tel que le nomme Israël, est celui que tous les peuples placent au sommet de leur propre hiérarchie divine. Il ne s'agit pas d'un dieu subalterne mais bien de celui que tous les peuples de la région placent au sommet de leur Olympe. Alors que pour les Grecs de l'époque homérique, celui qui « connait les desseins » de Zeus c'est le poète ; pour les peuples d'Orient, ce sont les prophètes tels que Balaam. Comment ne pas voir aussi, toute proportion gardée évidemment, dans cette attitude de Balaam, une préfiguration de celle de Luther, devant l'Empereur en 1521, déclarant « ma conscience est captive de la Parole de Dieu ; je ne peux ni ne veux me rétracter en rien, car il n'est ni sûr, ni honnête d'agir contre sa propre conscience. Me voici donc en ce jour. Je ne puis faire autrement. Que Dieu me vienne en aide » ?

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