4 - 11 novembre – L'exil et le royaume
Adam et Ève expulsés du Paradis. Un tablier de feuilles de vigne pour l'un, de feuilles de figuier pour l'autre, couvre leur nudité. Un ange, brandissant une épée, les pousse vers la porte du jardin, représentée comme la porte d'un château-fort. Ève, suivie d'Adam, s'y dirige à contre-cœur.
Genèse 3, 20-24
20 Adam donna à sa femme le nom d’Ève : car elle a été la mère de tous les vivants. 21 L’Éternel Dieu fit à Adam et à sa femme des habits de peau, et il les en revêtit. 22 L’Éternel Dieu dit : Voici, l’homme est devenu comme l’un de nous, pour la connaissance du bien et du mal. Empêchons-le maintenant d’avancer sa main, de prendre de l’arbre de vie, d’en manger, et de vivre éternellement. 23 Et l’Éternel Dieu le chassa du jardin d’Éden, pour qu’il cultivât la terre, d’où il avait été pris. 24 C’est ainsi qu’il chassa Adam ; et il mit à l’orient du jardin d’Éden les chérubins qui agitent une épée flamboyante, pour garder le chemin de l’arbre de vie.
« Je te l'avais bien dit » semble reprocher Adam à Ève au moment où tous deux sont expulsés sans aucun ménagement de ce jardin des délices où ils auraient vécu dans l'harmonie, où «Il n'eut été nulle bête ni oiseau qui l'eut infecté, ni courroucé en aucune manière, nul air ni nul vent ne l'eut jamais molesté » (nous pourrions ajouter aujourd'hui, « nul virus ne le confinerait »). À cette description du Paradis perdu que nous fait l'auteur du Miroir du salut du genre humain dans la première moitié du XIVe siècle, répondent, à la suite de John Milton et son Paradis perdu (1607) les innombrables descriptions de ce qu'il devait avoir été. Dante, Proust, Gide, et tant d'autres la littérature occidentale est imprégnée par ce thème de la nostalgie. Mais aussi par celui de la punition.
Prométhée, voleur de feu, est puni
d'une façon bien pire que nos premiers ancêtres symboliques que
sont Adam et Ève. Il est condamné à vivre éternellement, le foie
quotidiennement dévoré par un aigle. Pourtant, sa faute n'était
même pas une désobéissance mais simplement la volonté de tirer
l'humanité de la misère et du dénuement dans lesquels la
condamnait l'absence de feu. D'un côté, nous avons Adam et Ève,
chassés de l'état de Nature ; de l'autre, Prométhée inaugure
l'ère de la Technique, une rupture volontaire avec ce même état de
Nature, considéré cette fois non plus comme un cadre idyllique mais
comme un environnement hostile et chargé de peines.
Entrer dans le monde des vivants
De cette double source, grecque et biblique, notre civilisation occidentale a hérité la schizophrénie actuelle de notre rapport à la Nature, envisagée soit comme un idéal à retrouver soit comme une menace à contrer. En privilégiant le second récit de la création, notre auteur nous place dans cette logique de la perte alors que le premier récit, celui de Genèse 1, fait du couple primordial les « gardiens » de la création au lieu d'en être les éternels exilés. Cette lecture traditionnelle dans notre culture nous rend étrangers à la beauté du monde au lieu de l'envisager comme le lieu où se manifeste la splendeur de la gloire de Dieu.
Remarquons cependant que nos artistes médiévaux n'ont pas lu la Bible ! Ni les auteurs classiques. C'est une constante que nous retrouverons tout au long du récit des vitraux du temple. Dans le texte biblique, Adam et Ève sont vêtus par Dieu au moment de l'exil et l'ange (le « chérubin », bien différent de ce que nous imaginons aujourd'hui quand nous parlons des enfants ou des anges) ne vient qu'après l'expulsion. Il faut toujours se souvenir que le projet de l'auteur n'est pas d'expliquer la théologie biblique mais de conforter les parti-pris de son époque. Ludolphe de Saxe se contente de compiler ce qu'il a trouvé dans les œuvres de ses devanciers. Jusqu'à la Réforme protestante, on ne lit pas la Bible dans la chrétienté mais Pierre le Mangeur et son Histoire scolastique, ou La Légende dorée de Jacques de Voragine, autant de sources que nous allons retrouver à chaque étape de notre voyage.
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