Samedi 23 octobre 2021
VIVA PERU !
"Je
suis peut-être un autre, allant dans l’aube,
Un autre qui
marche,
Autour d’un long disque, un disque élastique,
Mortel,
figuratif, audacieux diaphragme.
Je me souviens peut-être de mon
attente en annotant les marbres.
Là un signe écarlate, là une
couche de bronze,
Un renard absent, bâtard, furieux,
Homme
peut-être à la fin."
Cesar Vallejo
GRACIAS JUAN DIEGO FLOREZ - YouTube
Né à Lima le 13 janvier 1973 de parents musiciens (son père est guitariste et chanteur de mélodies populaires), le jeune Juan Diego est très tôt encouragé par sa mère à apprendre la musique. Il travaille la guitare, puis écrit des chansons qu'il fait entendre en s’accompagnant au piano dans les bars de sa ville. En 1989 il remporte un prix qui le conduit à suivre des cours de chant, avant d'intégrer le Conservatoire de Musique du Pérou. Flórez délaisse rapidement les variétés pour s’intéresser à la musique classique, devient choriste et décide de partir pour les États-Unis après l’obtention d'une bourse. Cap sur le Curtis Institute de Philadelphie ! Il y étudie de 1993 à 1996, tout en se perfectionnant auprès de Marilyn Horne à la Music Academy of the West de Santa Monica. En 1994, Flórez fait la connaissance d'Ernesto Palacio, péruvien comme lui et ancien ténor. Une rencontre déterminante : à ses côtés le jeune musicien travaille des partitions, soigne ses interprétations et étudie Rossini, auteur défendu quelques années plus tôt par Palacio lui-même - qui est depuis devenu son agent !
Invité par le Festival de Pesaro où il a décroché un petit rôle dans Ricciardo e Zoraide, le chanteur ne sait pas en juillet 1996 que sa vie va être bientôt bouleversée… La direction cherche en urgence un ténor pour remplacer Bruce Ford qui devait interpréter Corradino dans Matilde di Shabran. Flórez n'a que 23 ans, pour ainsi dire pas d'expérience, mais il connaît l’œuvre pour l'avoir apprise avec son mentor. En quelques jours tout s'organise pour que la production soit prête et le soir de la première le public l’acclame. Les rossiniens adoubent le jeune inconnu ; son agilité, l'insolence de ses aigus, sa ligne de chant naturelle et son charme sont immédiatement remarqués. Une star est née.
Les théâtres d'Europe ne tardent pas à s'arracher un jeune virtuose qui fait ses débuts à Milan dans Armide de Gluck sous la direction de Riccardo Muti (7 décembre 1996), à Londres en 1997 avec Elisabetta, regina d'Inghilterra de Rossini, à Vienne deux ans plus tard avec son premier Almaviva du Barbier de Séville. La nouvelle coqueluche rossinienne est invitée à Paris et à Philadelphie en 2000 pour chanter Lindoro dans L'Italiana in Algeri, débuts américains qui sont suivis deux saisons après par un nouveau Barbier au Met. Entre temps il ajoute à sa collection rossinienne Idreno (Semiramide à Vienne), Rodrigo (Otello à Londres), Giacomo/Uberto (Donna del lago à Pesaro), alternant avec Fenton dans le Falstaff de Verdi abordé notamment au Châtelet en 2001 et surtout Tonio (La Fille du Régiment de Donizetti) qu’il chante pour la première fois à Las Palmas en 2001.
Ce rôle dans lequel sa sûreté vocale, ses connaissances belcantistes et son physique d'éternel adolescent font merveille, devient en quelques saisons son rôle fétiche, le tenant avec succès aux côtés de l’irrésistible Patrizia Ciofi en 2005 (capté à Turin/DVD Decca), puis dans la production signée Laurent Pelly présentée un peu partout en Europe et aux USA avec Dessay, Rancatore, Damrau et Ciofi à Barcelone en 2012, puis à Londres en 2014. Acclamé par le public, le ténor ose bisser « Pour mon âme » à la Scala de Milan, puis à Paris, pour le plus grand plaisir des auditeurs, privilège jusque-là réservé au seul Pavarotti.
Flórez réserve à Las Palmas la primeur d'Arturo (I Puritani, 2004), de Nemorino (L'Elisir d'amore, 2005) ainsi que de Nadir (Les Pêcheurs de perles), qu'il campe en compagnie de Ciofi en 2012. Attentif à l'évolution d’une voix qui s'étoffe avec l'âge, le Péruvien s'oriente depuis plusieurs années vers le répertoire français, perfectionnant la langue et procédant à d'inévitables réajustements techniques. S'il a laissé de côté le Duc de Mantoue de Rigoletto, le jugeant en 2008 hors de ses moyens, ce styliste, ce technicien raffiné qui refuse de se cantonner à quelques rôles, s'est également mesuré avec succès à Orphée et Eurydice de Gluck (Madrid), œuvre dans laquelle il est attendu du 14 septembre au 3 octobre prochain à Londres ; sous la direction de John Eliot Gardiner et dans une mise en scène du chorégraphe Hofesh Shechter. Régulièrement invité à Barcelone où il était Elvino avec Ciofi la saison dernière dans La Sonnambula de Bellini, il y donnera son premier Edgardo de Lucia di Lammermoor en décembre prochain avec Elena Mosuc, sous la baguette de Marco Armiliato, une production zurichoise signée Damiano Michieletto.
Matthieu Denni
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