Samedi 6 février 2021
MASQUES
Prière des masques
Masques!
Ô Masques!
Masques
noirs masques rouges, vous masques blanc-et-noir
Masques
aux quatre points d’où souffle l’Esprit
Je
vous salue dans le silence!
Et
pas toi le dernier, Ancêtre à tête de lion.
Vous
gardez ce lieu forclos à tout rire de femme, à tout sourire qui se
fane
Vous
distillez cet air d’éternité où je respire l’air de mes
Pères.
Masques
aux visages sans masque, dépouillés de toute fossette comme de
toute ride
Qui
avez composé ce portrait, ce visage mien penché sur l’autel de
papier blanc
À
votre
image, écoutez-moi!
Voici
que meurt l’Afrique des empires – c’est l’agonie d’une
princesse pitoyable
Et
aussi l’Europe à qui nous sommes liés par le nombril.
Fixez
vos yeux immuables sur vos enfants que l’on commande
Qui
donnent leur vie comme le pauvre son dernier vêtement.
Que
nous répondions présents à la renaissance du Monde
Ainsi
le levain qui est nécessaire à la farine blanche.
Car
qui apprendrait le rythme au monde défunt des machines et des
canons?
Qui
pousserait le cri de joie pour réveiller morts et orphelins à
l’aurore?
Dites,
qui rendrait la mémoire de vie à l’homme aux espoirs
éventrés?
Ils
nous disent les hommes du coton du café de l’huile
Ils
nous disent les hommes de la mort.
Nous
sommes les hommes de la danse, dont les pieds
reprennent
vigueur en frappant le sol dur.
Léopold Sédar SENGHOR
Jean-Baptiste Lully: Le Carnaval, mascarade royale: Ouverture - YouTube
Les Indes galantes by J-P. Rameau : "Forêts paisibles" (Sabine Devieilhe & Florian Sempey) - YouTube
Fauré - Masques et Bergamasques, Op. 112 (Bertrand de Billy, 2015) - YouTube
Debussy : Masques (Alain Planès, piano) - YouTube
Rameau : Les sauvages, Forêts paisibles (Sc.6), ext. de Les Indes galantes - YouTube
KHACHATURIAN Masquerade Suite - UNC Symphony Orchestra - November 2015 - YouTube
BIS
Rameau, Rondeau des Indes Galantes – Léger Naouri - YouTube
Maskenzug, polka française op.240 - Johann Strauss II - YouTube
Masken-Polka, Op. 33 - YouTube
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Ballet-mascarade (LWV 36) à sept entrées, sur un texte d’Isaac de Bensérade, dansé par le roi au Louvre, le 18 janvier 1668. Carlo Vigarani avait monté à cet effet un théâtre démontable dans l’antichambre de l’appartement du roi. Le spectacle fut repris à Saint-Germain en Laye du 26 au 31 janvier 1669. Il fut partiellement repris dans un opéra-ballet à neuf entrées (LWV 52), sur des textes de Molière, Benserade et Quinault, exécuté à la Cour, puis à Paris, au Palais Royal, le 17 octobre 1675. “Le Carnaval, habillé d’une manière qui le fait reconnaître, paraît sur un petit trône, au fond du théâtre. Il est environné de sa Suite ordinaire, vêtue de ses livrées, et composée d’un grand nombre de personnes qui chantent et qui jouent de plusieurs sortes d’instruments. Les violons qui le suivent commencent à célébrer son retour et Lui-même, par un récit qu’il chante, excite les enjouements qui l’accompagnent, à délasser le plus grand des Monarques de ses glorieux travaux.” M. d’Estival incarnait le Carnaval. Lully faisait partie de la Suite.
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Les Indes Galantes de Jean Philippe Rameau est l’un des exemples les plus aboutis de l’Opéra-ballet. Ecrit en un prologue et quatre entrées, cet Opéra-ballet est composé d'après le livret de Louis Fuzelier le 28 août 1735. L'Opéra-ballet est un genre hérité du ballet de cour, dont la Cour de France était très friande au 18e siècle.
Il s’agit d’une œuvre lyrique, de structure assez similaire à celle de la tragédie lyrique, avec une ouverture, un prologue et des actes qu’on appelle des « entrées ». Chaque « entrée » est thématiquement indépendante de l’ensemble de l’œuvre (contrairement aux actes de la tragédie). Dans chaque « entrée » les personnages changent ainsi que et les intrigues, souvent légères et amoureuses. L’Opéra-ballet était un spectacle de pur divertissement, avec parfois, une couleur volontiers pastorale ou exotique comme c’est le cas des Indes Galantes de Rameau.
Ce genre français né au XVIIe siècle sous l'impulsion de Rameau et Lully privilégie la danse et la musique instrumentale sur le chant. Il se structure en quatre ou cinq actes indépendants les uns des autres, appelés « entrées », reliés toutefois par un thème commun. Dans les Indes galantes, chaque entrée se situe dans une Inde différente.
Nous sommes au XVIIIème siècle, où l'on considère qu'il y a deux sortes d'Indes, les Orientales et les Occidentales. Le ballet de Rameau nous invite à un drôle de voyage en compagnie d'un Turc généreux, des Incas de l'Ouest, des Persans de l'Est et des peuples d'Amérique du Nord. La Quatrième et dernière entrée nommée "les Sauvages" de cet opéra ballet se déroule dans une forêt d’Amérique du nord. Adario, le chef des guerriers indiens, s’apprête à conclure la paix avec les colons français et espagnols. Deux officiers, le Français Damon et l’Espagnol Don Alvar, courtisent une jeune indienne, Zima. Damon professe l’inconstance, Don Alvar l’amour sérieux et exclusif. Mais Zima ne veut ni d’un époux volage, ni d’un époux jaloux. Elle leur préfère Adario. La Danse du grand calumet de la paix, scelle l'union de Zima et d'Adario, en même temps que la réconciliation entre les Sauvages et les Européens.
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La suite «Masques et bergamasques» fut donnée en première audition à Paris, Société des concerts du Conservatoire, le 16 novembre 1919. La suite d'orchestre que Gabriel Fauré réalise un peu plus tard retient les quatre pages les plus récentes du ballet, terminées à Menton en février 1919: Ouverture, Menuet, Gavotte, Pastorale.
De l'Ouverture (Allegro molto vivo), Fauré écrivait à son épouse: «Reynaldo Hahn dit que cela ressemble à du Mozart qui aurait imité Fauré» Jean-Michel Nectoux, le meilleur spécialiste français de Fauré, a retrouvé l'origine de cette pièce, toute de légèreté, dans un Intermezzo pour orchestre joué à Rennes en 1868, et dans l'Intermède de symphonie à quatre mains de 1869.
Un essai repris cinquante ans plus tard, mais surtout, un écho précieux du style adopté par le compositeur dans sa jeunesse. Moins intéressant, malgré son charme indéniable, le Menuet (Tempo di minuetto, Allegro moderato) qui emprunte, lui aussi, quelques éléments à une composition de jeunesse, la Suite d'orchestre en fa (op. 20), et dont la solennité théâtrale fait penser à un pastiche quelque peu figé.
Avec son rythme franc et incisif, la Gavotte (Allegro vivo) vient rompre un instant la mélancolie souriante dont toute cette oeuvre est empreinte. L'origine de cette pièce remonte à la Gavotte pour piano de 1865, reprise dans l'opus 20, inédit. Mais la nostalgie revient avec la Pastorale (Andante tranquillo) qui clôt cette suite, et dont le style est du plus pur Fauré « dernière manière ».
Mis en relief par les sonorités soyeuses des cordes, le chant déploie sa douceur jusque dans la citation du thème de l'Ouverture, et reste l'un des plus envoûtants du compositeur.
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Si Masques prend les allures d’une inquiétante fantaisie en la mineur, L’Isle joyeuse se présente en revanche comme une page solaire et abondante, éclairée par un la majeur triomphant. Harry Halbreich explique que la pièce évoquerait l’Embarquement pour Cythère de Watteau. Cythère serait alors la métaphore de Jersey où Debussy passe de délicieux instants aux côtés d’Emma Bardac.
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En 1941, le metteur en scène Rouben Simonov demande à Aram Khatchatourian de composer une musique de scène pour la pièce de théâtre Mascarade de Mikhaïl Lermontov, montée par le théâtre Vakhtangov de Moscou (tragédie musicale d'une femme tuée par son mari après de fausses accusations d'infidélité). Le compositeur éprouve de grandes difficultés à trouver le thème de la célèbre valse « un thème [qu'il pourrait] considérer comme beau et nouveau », inspiré par les paroles de l'héroïne Nina : « Que c'est beau cette nouvelle valse... quelque chose entre la tristesse et la joie a saisi mon cœur ». Son ancien professeur, Nikolaï Miaskovski, tente de l'aider en lui procurant une série de romans et de valses de l'époque de Lermontov. Bien qu'elle ne lui fournisse pas l'inspiration immédiate dans sa « recherche intense » du style approprié et de la veine mélodique, Khatchatourian reconnait que sans cette aide il n'aurait pas découvert le deuxième thème de sa valse qui a agi « comme un lien magique [le] libérant de toutes [ses] chaînes ». Le reste de la valse lui vient alors sans plus aucun effort.
La pièce est présentée avec la musique de Khatchatourian le 21 juin 1941 au théâtre Vaghtangov. Mascarade fut la dernière production montée par le théâtre avant l'invasion de l'URSS par l'Allemagne. La série de représentations fut de ce fait écourtée. Khatchatourian a dédié la valse à la comédienne qui jouait le rôle de Nina, Alla Kazanskaïa
Matthieu Denni
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