Un vitrail par jour 42

19 décembre – Étrangers et voyageurs sur la terre

L'agneau pascal qui représente le Christ : AGNUS PASCALIS FIGURAT CRISTUM . Les Israélites font rôtir l'agneau pascal. L'agneau est à la broche au-dessus d'un feu de bois: Un Israélite tourne la broche. Deux autres tâtent la viande avec des bâtons, pour voir si elle est à point. Ils sont coiffés de pèlerines à capuchon.

Avec ce vitrail nous en avons terminé avec la quatrième fenêtre, le dernier vitrail (Caïn et Abel) ne faisant pas partie de la même thématique et n'étant pas à sa place. Nous en profitons pour faire une pause et reprendrons la suite de nos vitraux à partir de l'Épiphanie.

Exode 12, 1-11

1 L’Éternel dit à Moïse et à Aaron dans le pays d’Égypte : 2 Ce mois-ci sera pour vous le premier des mois ; il sera pour vous le premier des mois de l’année. 3 Parlez à toute l’assemblée d’Israël, et dites : Le dixième jour de ce mois, on prendra un agneau pour chaque famille, un agneau pour chaque maison. 4 Si la maison est trop peu nombreuse pour un agneau, on le prendra avec son plus proche voisin, selon le nombre des personnes ; vous compterez pour cet agneau d’après ce que chacun peut manger. 5 Ce sera un agneau sans défaut, mâle, âgé d’un an ; vous pourrez prendre un agneau ou un chevreau. 6 Vous le garderez jusqu’au quatorzième jour de ce mois ; et toute l’assemblée d’Israël l’immolera entre les deux soirs. 7 On prendra de son sang, et on en mettra sur les deux poteaux et sur le linteau de la porte des maisons où on le mangera. 8 Cette même nuit, on en mangera la chair, rôtie au feu ; on la mangera avec des pains sans levain et des herbes amères. 9 Vous ne le mangerez point à demi cuit et bouilli dans l’eau ; mais il sera rôti au feu, avec la tête, les jambes et l’intérieur. 10 Vous n’en laisserez rien jusqu’au matin ; et, s’il en reste quelque chose le matin, vous le brûlerez au feu. 11 Quand vous le mangerez, vous aurez vos reins ceints, vos souliers aux pieds, et votre bâton à la main ; et vous le mangerez à la hâte. C’est la Pâque de l’Éternel.

Nous avons dit que Jean l'évangéliste ne faisait aucune mention du pain ni du vin lors du dernier repas de Jésus avec ses disciples. C'est lui pourtant qui, le premier, fait de Jésus, l'Agneau de Dieu qui ôte le péché du monde (Jean 1, 29). C'est de cette interprétation johannique que viennent les lamalas qui ornent toute bonne table en Alsace à la période de Pâques. C'est de là aussi que vient le choix d'un agneau pour représenter le Christ dans certaines églises romaines.

Toute l'histoire biblique peut être vue comme le suggère le philosophe Michel Serres comme un lent processus allant du sacrifice humain des anciennes religions et des anciennes divinités avec lesquelles l'Éternel peut parfois être confondu jusqu'à l'élimination définitive du concept même de sacrifice au sens où l'entendaient les anciens. Une fois le sacrifice ultime effectué, celui de l'Agneau de Dieu, nul besoin d'autres sacrifices. Au fur et à mesure de l'histoire du peuple d'Israël, le sacrifice d'un animal servait de plus en plus de substitution au sacrifice humain alors que pour les Grecs de l'antiquité, le sacrifice, l'hécatombe, avait pour but de se rendre la divinité propice ou de la remercier d'avoir mené le héros à bon port. L'agneau pascal rappelle que l'ange de Dieu est « passé » au dessus des maisons des Israélites, tel est le sens du mot Pessa’h, « Pâque », signifiant littéralement « passage ».

Nul besoin désormais de ces choses. Alors qu'Abraham aurait été prêt à sacrifier son fils, alors que Jephté n'hésite pas à sacrifier sa fille, la sortie d'Égypte substitue l'agneau aux premiers-nés et la loi de Moïse reprendra cette obligation de consacrer le premier-né à l'Éternel et de lui substituer un animal. Tandis que finalement, Jésus substitue à ces religions où il faut qu'un animal ou un humain meure, réellement ou symboliquement, une foi où manger du pain et boire du vin, ces choses ordinaires de l'existence, suffit à faire corps avec le divin. C'est en cela que le christianisme est l'un des sommets absolus de la spiritualité universelle. Cette sublimation définitive où le divin ne s'obtient plus au prix de l'humain mais où le divin prend la place de l'homme pour le laisser être pleinement humain, le faire advenir à l'humanité. Plus d'ascèse ni de martyrs ni de renoncement à soi, plus d'effacement dans la foule des anonymes, plus de sacrifice de l'intelligence ou des sentiments mais un accomplissement à la lumière de la foi et de la grâce prévenante dont Ludolphe de Saxe faisait le cœur de l'enseignement du Christ (vitrail 36).

Le salut, aujourd'hui et maintenant

Il souligne enfin que les Israélites n'ont pas attendu d'être arrivés dans la Terre promise pour manger l'agneau. Au contraire, c'est au début de leur route et vêtus pour le chemin, avec leurs bâtons de marche et leurs pieds chaussés qu'il cuisent rapidement l'agneau à la broche. Parce qu'il n'y a pas de temps à perdre ! Parce que le salut n'est pas pour demain, c'est aujourd'hui qu'il faut quitter nos Égyptes, nos maisons de servitude où nous entravent toutes nos fatalités et nos déterminismes. Alors que la fin du monde est toujours pour demain, le salut commence toujours aujourd'hui.

C'est aussi quelque chose que nul ne peut faire à notre place que de prendre la route sur le chemin de la Terre promise mais le chemin est aussi fait de l'attention à autrui, de l'abnégation et de l'humilité. S'il n'est plus utile de sacrifier ni de se sacrifier, il n'en reste pas moins que c'est le chemin qui est plus important que sa destination. Alors que tout nous conduit dans le règne de l'éphémère et du déjà Tout-fait, autrement dit nous plonge dans le règne de la technique, le récit biblique nous conduit vers ce qui est à faire et dans ce domaine ce qui est fait reste toujours à faire. C'est-à-dire qu'on n'en a jamais fini avec la compréhension de ce que c'est que l'amour de Dieu et du prochain mais c'est toujours une inspiration ou pour mieux dire une imprégnation, un effort contre sa propre nature qui préfèrerait rester auprès des marmites en Égypte même au prix de la soumission, que de se consacrer pleinement à l'autre. C'est cette attitude pleinement centrée sur autrui que signifie la Pâque et le chemin qu'elle entame.

Roland Kauffmann

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