Un vitrail par jour 11

18 novembre Les sept dons de l'esprit

L'arbre de Jessé. Jessé, père du roi David, et petit-fils de Booz et de Ruth, dort sur un lit; de sa poitrine sort un cep de vigne, portant plusieurs feuilles et deux raisins.

Ésaïe 11, 1-10

1 Puis un rameau sortira du tronc d’Isaï, Et un rejeton naîtra de ses racines. 2 L’Esprit de l’Éternel reposera sur lui : Esprit de sagesse et d’intelligence, Esprit de conseil et de force, Esprit de connaissance et de crainte de l’Éternel. 3 Il respirera la crainte de l’Éternel ; Il ne jugera point sur l’apparence, Il ne prononcera point sur un ouï-dire. 4 Mais il jugera les pauvres avec équité, Et il prononcera avec droiture sur les malheureux de la terre ; Il frappera la terre de sa parole comme d’une verge, Et du souffle de ses lèvres il fera mourir le méchant. 5 La justice sera la ceinture de ses flancs, Et la fidélité la ceinture de ses reins. 6 Le loup habitera avec l’agneau, Et la panthère se couchera avec le chevreau ; le veau, le lionceau, et le bétail qu’on engraisse, seront ensemble, Et un petit enfant les conduira. 7 La vache et l’ourse auront un même pâturage, Leurs petits un même gîte ; Et le lion, comme le bœuf, mangera de la paille. Le nourrisson s’ébattra sur l’antre de la vipère, Et l’enfant sevré mettra sa main dans la caverne du basilic. Il ne se fera ni tort ni dommage Sur toute ma montagne sainte ; Car la terre sera remplie de la connaissance de l’Éternel, Comme le fond de la mer par les eaux qui le couvrent. 10 En ce jour, le rejeton d’Isaï sera là comme une bannière pour les peuples ; Les nations se tourneront vers lui, Et la gloire sera sa demeure.

« D'un arbre séculaire, du vieux tronc d'Isaï, durant l'hiver austère, un frais rameau jaillit ; et sur le sol durci, dans la nuit calme et claire, une rose a fleuri » : vous aurez reconnu un de nos cantiques de Noël les plus appréciés dans la ferveur de nos chants participatifs du temple Saint-Étienne. Aussi apprécié en allemand (Es ist ein Reis entsprungen… ou encore Es ist ein Ros entsprungen) qu'en français ce cantique fait à juste titre partie de notre patrimoine culturel commun, tout au moins en Alsace. Mais nous oublions souvent son origine directement liée à l'annonce de l'utopie du Règne de Dieu dans le livre du prophète Ésaïe. Véritable antithèse de la situation d'Adam et Ève chassés du jardin, la Montagne de Dieu annoncée par Ésaïe est le lieu où l'enfant est sans danger auprès de la vipère. Cet Isaï dont il est question chez Ésaïe (ne pas confondre le prophète et le héros) n'est autre que Jessé, père du roi David et donc fondateur de la lignée royale légitime à laquelle les évangélistes rattacheront Jésus lui-même puisque son père, Joseph, est descendant de David. C'est ainsi que la prophétie a, dès l'origine de l'Église, été comprise comme l'annonce du Royaume de Dieu dont l'Église est justement censée être l'anticipation.

Comment vivre dans la foi ?

Mais notre auteur du Speculum, n'ayant jamais lu la Bible comme nous l'avons dit, en est resté à l'interprétation de cette prophétie qui faisait autorité à son époque, à savoir celle de saint Thomas d'Aquin. Celui-ci, se fondant sur la premier verset d'Ésaïe, distingue sept dons de l'Esprit que l'on retrouve encore aujourd'hui dans les manuels de piété catholiques. Ce sont sagesse, intelligence, science, conseil, force, piété filiale et crainte. Nous ne nous arrêterons pas ici sur le détail de chacun de ces dons ni sur le fait que saint Thomas en distingue sept là où Ésaïe n'en donne que six. Tout cela est lié à des questions de variantes de traduction mais notre auteur n'en a cure et l'ignore de toute manière.

Ce qui l'intéresse bien plus, c'est de donner des conseils de vie bonne à la lumière symbolique de Marie. Il voit dans le rameau de Jessé, sept feuilles et fruits qui lui permettent de détailler chacun des dons de l'esprit par opposition aux sept péchés mortels : « on trouve en cette fleur sept bons medecinemens par lesquels sont désignés les sept dons du Saint-Esprit. On trouve en cette fleur atouchement, odeur, fruit, couleur, feuilles, suc et goût. Ce sont là sept très bonnes choses et très medicinables, à l'âme qui est malade, encontre les sept péchés mortels ».


En touchant la fleur, l'homme est libéré de l'orgueil, par son odeur, il est libéré de l'envie, par le fruit, de la colère et ainsi de suite avec les vertus qui remplacent les péchés et correspondent aux dons de l'Esprit, « l'atouchement » correspondant à la « sagesse », « l'odeur » à « l'intelligence », etc. Cette représentation symbolique est éclatante dans notre vitrail où, comme pour Mandane, c'est une vigne qui surgit pudiquement de la poitrine de Jessé et non de la verge comme l'écrit Ludolphe de Saxe pour qui la chair « perd sa saveur si on a goûté du Saint-Esprit ».

Sans doute que le lecteur du Speculum Humanae Salvationis du XIVe siècle voyant le vitrail de Jessé dans le chœur de l'ancienne église de Mulhouse pouvait méditer le sens de ces choses quand, aujourd'hui, nous pouvons chanter qu' « une rose a fleuri » là où tout était mort et flétri, sans espoir.

Roland Kauffmann

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