L'Heure Musicale virtuelle du 17 avril 2021

 Samedi 17 avril 2021

MARIE JAËLL (née Trautmann)

UNE ALSACIENNE MÉCONNUE

La muse 

Nérée Beauchemin

Bluet aux regards d’améthyste,
Bluet aux yeux de ciel, dis-nous
Ce qui te fait être si triste ?
– J’ai vu ses yeux, j’en suis jaloux.

Et toi, simple églantine rose,
Payse aux lèvres de carmin,
Pourquoi sembles-tu si morose ?
– Je suis jalouse de son teint.

Toi, beau lys, qu’en dis-tu ? – Que n’ai-je
Le fin velouté, la blancheur,
La fraîcheur d’aurore et de neige
De sa diaphane blondeur !

Je comprends votre jalousie,
Ô fleurs, c’est qu’hier, en ces lieux,
Dans sa robe de fantaisie
La Muse a passé sous vos yeux.

La playlist complète ou pièce par pièce ci-dessous

Marie Jaëll: Six petits morceaux pour piano (1871) - YouTube

Marie Jaëll, Impromptu (1871) - YouTube

Marie Jaëll: Feuillet d'album (Albumblatt) 1871 - YouTube

Marie Jaëll: Cello Concerto in F Major - YouTube

Marie Jaëll :Extraits des 18 pièces de Dante // Célia Oneto Bensaid - Piano - YouTube

Duo Vela plays Marie JAËLL TRAUTMANN 2 Valses op. 8, piano 4 hands - YouTube

Jaell - Piano Concerto No.2 - YouTube

Née à Steinseltz le 17 août 1846 ; morte à Paris le 4 février 1925. Pianiste, compositrice, pédagogue.

Elle est issue d'une famille d'agriculteurs aisés. Sa mère organise ses études de piano et ses concerts. Elle suit ses premiers cours de piano avec le français F. B. Hamma, professeur de piano, de chant et compositeur à Stuttgart. Ce dernier organise la première audition publique de Marie Jaëll le 14 décembre 1855.

En décembre 1856 elle est présentée à Henri Herz (1803 ou 1806-1888), compositeur, virtuose et professeur de piano d'origine viennoise au Conservatoire de Paris. Il est un des premiers pianistes d'Europe à se produire aux États-Unis dans les années 1845-1851. Il est aussi l'inventeur d'un Dactylion, instrument qui sert à donner plus d'étendue à la main, délier et fortifier les doigts, et à rendre le jeu plus égal et harmonieux. Elle suit également des cours avec le compositeur et chef d'orchestre Louis Liebe (1819-1900) à Strasbourg. Elle entre au Conservatoire de Paris en 1862 et obtient un premier prix de piano après 4 mois de cours.

De 1855 à 1862 elle s'est produite dans 145 concerts en France, en Allemagne et en Suisse.

Le 9 août 1866 elle épouse le célèbre pianiste Alfred Jaëll (1832-1882), élève de élève de Czerny en relation avec Chopin, Brahms, Nikolaï Rubinstein et Liszt, de 15 ans son aîné. Ils s'installent à Paris. Ils donnent ensemble de nombreux concerts en Europe : France, Allemagne, Angleterre, Italie, Irlande, Hollande, Belgique, Hongrie, Russie.

La guerre de 1870 exacerbe les sentiments nationalistes de Marie Jaëll, et mettra fin aux concerts en Allemagne et aux projets d'Alfred d'enseigner au Conservatoire de Leipzig en succession à Moschelès ou de prendre la direction la Neue Zeitschrift für Musik, fondée par Schumann.

A partir de 1870, elle suit quelques cours de composition avec César Franck, puis avec Camille Saint-Saëns qui repésente pour elle l'école française. Elle elle entretient avec lui une étroite amitié et une abondante correspondance. Vers 1871, Liszt, par l'entremise d'Alfred Jaëll fait éditer les Valses à quatre mains de Marie Jaëll et les joue à Bayreuth avec Camille Saint-Saëns.

Dans les années 1880, elle crée et joue à Paris les parties de piano de plusieurs de ses oeuvres. En 1887, à demande et parrainée par Saint-Saëns et Fauré, elle est admise comme membre actif à Société des compositeurs de musique.

Alfred Jaëll Meurt en 1882 des suites du diabète. Elle séjourne plusieurs fois chez Liszt, à Weimar de 1883 à 1885. Elle achève pour lui la troisième Mephisto-Walz et relit les épreuves de la Faust-Sinfonie. Liszt lui rend visite en 1886 à Paris, à l'occasion de la création de sa Messe de Gran par Colonne.

En 1891 et 1892, elle donne en six concerts l'intégrale de l'œuvre pour piano de Liszt Salle Pleyel. En 1893, toujours salle Pleyel elle joue l'intégrale des 32 sonates de Beethoven ; en 1902, salle Erard, l'essentiel de la musique pour piano de Schumann en 6 concerts.

Vers 1895 elle entreprend l'élaboration de sa méthode d'enseignement du piano, basée sur son expérience personnelle, une introspection systématique et une interprétation personnelle de données issues de le psychologie et de la physiologie. Elle suit des cours de psychologie à la Sorbonne collabore à quelques expériences avec le psychologue et directeur de l'hôpital psychiatrique de Bicêtre Charles Féré grande figure du temps, élève de Charcot qui publie en 1887 Mouvement et sensation, une étude de «psycho - mécanique».

La méthode de Marie Jaëll tend à s'opposer au mécanisme alors à l'honneur et vise à la maîtrise mentale du jeu tactile. Son idée maîtresse est que les lignes papillaires (les empreintes digitales) doivent former des enchaînements harmonieux en relation avec l'harmonie du touché et du rendu sonore. Elle mène une série d'expériences en appliquant les doigts encrés sur des claviers virtuels en carton. Par la suite elle pense que l'orientation des lignes papillaires par rapport au magnétisme est déterminant, ou que le parcours des yeux est à mettre en relation avec le mouvement des lignes papillaires et des modes majeurs et mineurs, ou qu'attribuer une couleur à chaque doigt change la perception etc.

Femme excessive et souvent emportée, à l'imagination foisonnante, ses livres sont extrêmement minutieux et montrent des qualités rares à conceptualiser. Grâce à cela, à son rapport pratique au piano, à son entourage rationnel (Féré, Saint-Saëns), ce qui aurait pu être des idées débridées laisse place à des pistes aujourd'hui toujours exploitables, comme celle de se former une image mentale la plus précise possible du mouvement des doigts et de leur contact sur les touches, de ne pas mécaniser les mains par la répétition d'exercices, que ce qui est rapidement appris est meilleur que de longues répétitions inutiles. Pour arriver à cela, il faut prendre le temps de cultiver la main et d'en faire un élément interactif avec la pensée, au-delà du piano.

Matthieu Denni

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