Le parcours du
prophète de Nazareth est raconté à travers une minutieuse
reconstitution historique, moyennant une dramaturgie habile et un
style alerte. Les faits évoqués sont de prime abord assez connus – banalisés par deux millénaires de christianisme –, mais le Jésus
et les disciples dépeints dans ce roman peuvent surprendre même des
connaisseurs avertis. Et la description de la première communauté
chrétienne de Jérusalem – dont les désaccords ont revêtu des
enjeux décisifs – est particulièrement instructive.
Accablé
par l’iniquité régnante et l’occupation romaine, rêvant de
justice et de paix, le petit peuple attendait fiévreusement
l’avènement du Royaume de Dieu. Tandis que des activistes
prônaient la révolte armée, diverses sectes préconisaient la
radicalisation religieuse. Jésus, persuadé de l’imminence de la
fin des temps, s’est tenu à l’écart de ces extrêmes et a
exhorté ses auditeurs à se convertir pour hâter le jour du salut –
par une confiance absolue en la Providence, par une bienveillance
universelle et par le service des humbles. Tout en condamnant le
ritualisme, il suivait la Loi et fréquentait les synagogues et le
Temple. Mais, pour finir, sa critique du système religieux et des
élites qui en profitaient lui valut d’être crucifié.
L’apocalypse attendue ne s’est pas produite, et la petite
communauté qui a survécu à cette tragédie a peiné à trouver sa
voie. Se repliant sur l’héritage judaïque, le noyau formé autour
de Jacques, le frère de Jésus, a fini par disparaître cependant
que les Juifs hellénisés se sont sentis appelés à diffuser
l’Évangile parmi les nations.
Somme toute, le Jésus
d’Olivier Merle semble refléter d’assez près le Jésus de
l’histoire. Pour essayer de le cerner, l’auteur a éclairé son
empathie de romancier par une approche scientifique des plus
rigoureuses – notamment exégétique. S’il a ignoré certains
récits comme la nativité ou la résurrection qui ont ultérieurement
servi de fondements à la foi chrétienne, c’est parce que la
crédibilité de son roman était à ce prix, en amont des
constructions théologiques. On ne s’étonnera pas que cet ouvrage
pose, avec un tel choix, plus de questions qu’il n’en résout…
Mais le Jésus dépouillé qu’il présente a, de façon inattendue,
ouvert les portes du Royaume annoncé. Malgré le dramatique échec
du Golgotha et sous le signe de cette épreuve vécue dans la foi, la
divine humanité du Nazaréen a dévoilé, pour toujours, un horizon
lumineux au-delà des sombres chemins de la Palestine d’alors.
Olivier Merle
offrira-t-il à ses lecteurs une suite avec l’apôtre Paul qui,
grâce à sa fougue et à sa créativité théologique, a impulsé la
fulgurante expansion transculturelle au christianisme ?
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