Une éthique pour aujourd'hui, un vitrail par semaine - Jean-Baptiste

8 avril 2022

102 10-2 Jean le Baptiste

Un personnage pieds nus auréolé, identifié par la mention « S. IOANNES ». De l'index de la main droite, il montre l'Agneau de Dieu, qu'il tient de la main gauche dans un cercle, l'Agneau soutient de sa patte gauche une croix ornée d'un étendard qu'il regarde en tournant la tête vers Jean. 



Matthieu 3, 1-13

1 En ce temps-là parut Jean Baptiste, prêchant dans le désert de Judée. 2 Il disait : Repentez-vous, car le royaume des cieux est proche. 3 Jean est celui qui avait été annoncé par Ésaïe, le prophète, lorsqu’il dit : C’est ici la voix de celui qui crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur, Aplanissez ses sentiers. (…) 11 Moi, je vous baptise d’eau, pour vous amener à la repentance ; mais celui qui vient après moi est plus puissant que moi, et je ne suis pas digne de porter ses souliers. Lui, il vous baptisera du Saint-Esprit et de feu. (…) 13 Alors Jésus vint de la Galilée au Jourdain vers Jean, pour être baptisé par lui.

------------------------------------------------------------------------- 

Le geste caractéristique de Jean le baptiste est dans cette désignation de Jésus comme étant le Christ, celui qui était attendu et qui est représenté ici sous la forme de l'Agneau de Dieu. Un geste que l'on retrouve dans toutes les représentations de Jean-Baptiste, qu'il s'agisse de vitraux, de statues ou de tableaux. Il suffit de se souvenir de son doigt démesurément long tel qu'il apparaît dans Le Retable d'Issenheim pour comprendre la portée de cette désignation dans la spiritualité et la théologie médiévales. Jean-Baptiste, c'est aussi le prophète qui crie dans le désert, celui qui condamne la corruption du roi Hérode, au risque de sa vie. C'est encore celui qui, jeté en prison, fera demander à Jésus de confirmer qu'il est bien le Messie attendu. C'est enfin celui dont la tête sera offerte à Salomé, la fille du roi, pour le prix d'une danse (Matthieu 14, 1-12).

Le baptême qu'il pratique dans le Jourdain est une purification dans l'esprit de celle de Naaman le Syrien, effectuée par le prophète Élisée. (cf notre vitrail n° 31 : https://sermulhouse.blogspot.com/2020/11/un-vitrail-par-jour-31.html) mais alors que Naaman était guéri de la lèpre, c'est de purification intérieure qu'il s'agit avec Jean-Baptiste et plus exactement de repentance. La présence de Jean-Baptiste dans un cycle de verrières aussi important que celui de l'ancienne église Saint-Étienne souligne la volonté de la donatrice, à priori la comtesse Jeanne de Ferrette, de manifester sa propre repentance. Il ne s'agissait pour elle en effet pas seulement de faire une œuvre pieuse en offrant ces verrières et ainsi de « faire son salut » mais bien de montrer une réelle contrition et un renoncement à ses péchés. Une attestation encore renforcée par le fait que le blason familial se trouve directement sous les pieds de Jean-Baptiste en signe d'allégeance.

Ce blason représente deux poissons courbés en position verticale et de profil, les têtes tournées vers le haut, dos à dos et de couleur or, sur fond rouge. En héraldique, qui est l'étude et la science des blasons se blasonnent ainsi : « De gueules aux deux bars adossées d'or ». Pour l'histoire de Jeanne et de sa famille, voir notre page dédiée.

Une repentance oubliée

La notion même de « repentance » n'est plus à la mode dans notre époque de développement personnel où l'acceptation de soi est devenue la règle quand il s'agit de composer avec ses désirs et de « se réaliser tel que l'on est ». Idée ringarde s'il en est que celle de reconnaître que l'on est pas bon, que l'on ne fait pas toujours le bien et que même nous faisons bien souvent du mal à nos proches. Mais « c'est plus fort que moi ! », « je n'y peux rien, il faut me prendre tel que je suis » autant d'excuses qui signent le renoncement à devenir meilleur. Quand nous n'avons plus conscience de la réalité de notre condition humaine qui est, que nous le voulions ou non, que nous l'acceptions ou non, mauvaise ; quand nous ne reconnaissons plus que notre pente naturelle est de vouloir dominer, posséder, exploiter, profiter, consommer, briser ou maîtriser les êtres et les choses qui nous entourent, nous avons oublié que nous sommes pécheurs et finalement nous nous en satisfaisons.

La repentance n'est pas une démission mais au contraire l'expression courageuse d'une volonté de changement de soi au bénéfice de l'autre, considéré, non plus comme un objet mais comme un « toi », une personne dont nous ne pouvons nous servir, d'une dignité inaliénable et que nous ne pouvons que servir.

La première étape de la repentance dont Jean-Baptiste est l'expression est précisément dans la reconnaissance de notre état de pécheurs devant Dieu, devant les hommes nos frères et de notre incapacité à faire le bien. La seconde étape est une prise de conscience du sacrifice de l'Agneau de Dieu que porte le Baptiste, autrement dit de l'amour que le Christ a manifesté pour chacune et chacune d'entre nous en donnant sa vie pour que nous vivions à son image. Enfin, la troisième étape de la repentance, la sanctification, passe par l'effort sur soi-même, le refus des facilités et des satisfactions au prix de la liberté, au prix de la vérité on encore au prix de la justice. La repentance est une lutte constante contre notre propre nature afin d'être autre chose qu'un enchaînement de passions et de réactions, pour que l'Amour l'emporte sur la Force ou pour le dire autrement pour devenir pleinement et réellement humains les uns pour les autres.

Roland Kauffmann

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire