1er avril 2022
101 10-1 Saint Josse, patron des voyageurs
Saint Josse (S IUDOCUS), couronné, avec un manteau vert, tenant dans sa main droite un bâton de pèlerin et dans la gauche un coquillage rappelant la proximité des pèlerinages de saint Jacques de Compostelle et de saint Josse.
https://www.saint-josse-europe.eu
De la sainteté chrétienne1
L'une des caractéristiques principales des verrières du temple Saint-Étienne de Mulhouse est, à l'inverse d'un grand nombre d'églises médiévales, de n'être constitué que de scènes bibliques ou issues de la Légende dorée de Jacques de Voragine et justement de ne pas représenter des saints ou des bienheureux.
À l'exception justement de notre dixième fenêtre qui représente un évêque, saint Jean Baptiste et donc saint Josse, patron des voyageurs et pèlerins, équivalent de saint Jacques. Cette portion congrue faite à la dévotion des saints est déjà significative en soi. Par ailleurs, Jean Baptiste est aussi un personnage biblique et l'évêque n'est même pas nommé, ce qui relativise sa présence et empêche toute dévotion. Il n'y a donc que saint Josse qui peut, à proprement parler, être une représentation d'un saint et donc, dans la spiritualité médiévale, faire l'objet d'une dévotion particulière.
Il est remarquable qu'au moment du passage de Mulhouse à la Réforme à partir de 1523, il n'y ait eu aucun iconoclasme, contrairement à Bâle. Aucune statue n'a été détruite, ni aucun vitrail endommagé au nom d'un rejet par les mulhousiens de cette dévotion particulière que les protestants du XVIe siècle considéraient au mieux comme de la superstition, au pire comme de l’idolâtrie. Sans doute que la dévotion à saint Josse n'était pas si développée à Mulhouse et ne suscitait pas de comportements mettant en danger la piété des citoyens et le Magistrat n'y aurait donc rien vu à redire. Il faut aussi toujours rappeler que la Réforme mulhousienne, avant d'être une question de théologie est avant tout une question d'organisation religieuse et de remise en ordre des pratiques cultuelles dans un contexte de désordre structurel des organisations religieuses existantes. La présence d'un saint dans les verrières n'est dans ce contexte pas un problème majeur qu'il aurait fallu régler par sa destruction.
C'est aussi peut-être parce que les mulhousiens du XVIe siècle auront parfaitement compris ce qu'est la sainteté qui, loin d'être un statut réservé à quelques-uns qui seraient supérieurs au commun des mortels et se trouveraient dans une position de médiation entre l'humain et le divin, est l'objectif partagé de tous les fidèles. La notion de sanctification est en effet centrale dans la spiritualité protestante et plus particulièrement calviniste mais surtout elle est accessible à tous. L'état de sainteté n'est pas en protestantisme un idéal inatteignable sauf pour ceux qui bénéficieraient d'une grâce spéciale. La sainteté protestante est un chemin de transformation constante, de libération permanente face à toutes les formes de déterminisme, qu'elles soient sociales, naturelles, politiques ou historiques. Contre toutes les fatalités de condition, la sainteté est l'affirmation qu'il est possible de s'en affranchir.
Le chemin de l'éthique n'est alors plus celui de l'acceptation ni de la résignation à soi tel que l'on est ou à l'état du monde mais celui d'une amélioration permanente avec le Royaume de Dieu comme horizon, jamais atteint mais toujours devant soi.
Le « saint », c'est ce que nous sommes appelés à être ou à devenir mais ce que nous sommes aussi déjà, dès lors que l'évangile nous transforme, non seulement dans nos manières d'être au monde mais aussi à l'intérieur de nous-mêmes. Car le Royaume de Dieu, de ce Dieu qui se présente toujours à l'homme comme « celui qui t'a fait sortir d'Égypte, de la Maison de servitude », est d'abord un Royaume intime où notre regard sur nous-mêmes, les autres, la société et le monde, est transformé par la grâce de Dieu et la reconnaissance pour ce qu'il nous donne chaque jour et le bien qu'il nous donne chaque jour à réaliser auprès des hommes et des femmes de notre temps.
C'est ainsi que nous serons saints comme l'Éternel notre Dieu est saint
Roland Kauffmann
1Pour aller plus loin sur cette question, on lira Yves Krumenacker. Sainteté catholique et sainteté protestante (XVIe-XVIIe siècles). 21E Congres international des sciences historiques, août 2010, Amsterdam, France. https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00528313
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