Samedi 12 novembre 2022
Georg Philipp Friedrich von Hardenberg
Novalis 1772 – 1801
Partant du postulat, énoncé par Novalis, que la poésie élève chaque individu à la totalité à travers une opération de connexion qui lui est propre, l’on ne peut qu’être saisi d’une petite chair de poule à l’ouverture de ce petit livre qui recèle tant d’explosions cachées qui vont, au fil de notre lecture, fissurer le vernis sociétal et laisser, enfin, apparaître le lustre d’une peau tannée par tant d’inconvenances faites à sa personne. Quel individu, normalement constitué, peut survivre dans notre monde contemporain ? Qui parvient à supporter l’innommable et l’immonde quotidien sans risquer de devenir fou, sauf à verser dans le mièvre de la guimauve servie par des médias encombrants, puisque désormais les vessies sont nos lanternes…
Urgence donc à revenir à l’essentiel, à passer à plus sérieux après cette partie d’échecs qui, quelle qu’en soit la tournure et la finalité recherchée, ne finira jamais. Autant baisser la garde, abdiquer et, sans couronne mais avec la foi, se ruer dans la félicité d’une harmonie, même temporelle, même vouée au désastre comme tout ce qui a trait à la Beauté, mais au moins l’on aura vécu, senti, joui d’un réel possible, d’un bonheur imprégné de vérité, ici-bas, malgré le chaos dominant et l’invasion des esprits par la suie nauséeuse des idéaux préfabriqués.
Novalis, philosophe, scientifique et poète, voulut étudier dans ses fragments toutes les connexions possibles avec comme axe de réflexion la poésie, au centre du dilemme, à part, comme dans une bulle, mais interconnectée avec les autres disciplines afin de tenter de décrypter l’univers. Durant toute son existence, Novalis n’aura de cesse d’écrire ces réflexions, petites phrases qu’il ne considérait pas comme une œuvre mais plutôt un matériau nécessaire à sa réflexion. Riches souvent, hermétiques parfois voire contradictoires, l’intégralité de ses fragments peint l’évolution d’une pensée, non une vérité absolue. Novalis fera en sorte que l’artiste créateur se trouve en état de générer son propre univers au moyen du langage et des mots qu’il n’utilise plus pour figurer le prétendument réel, mais pour créer de l’intérieur une autre réalité, autonome, affranchie de la loi de causalité et de ses contingences : celle de la poésie absolue. Au diable les contingences extérieures, les obligations morales, les consciences professionnelles ! Ecrire exige une abnégation totale, et pour faire resurgir la poésie absolue, seule capable de révolutionner l’activité littéraire à défaut des esprits lobotomisés devant les écrans plats, Novalis laissera à la postérité Henri d’Ofterdingen.
Le véritable poète est omniscient – il est un monde réel en petit.
Pour aller plus loin :
https://www.youtube.com/watch?v=lfndQD3NWCw
https://www.youtube.com/watch?v=jdvGXUzTHKg
https://www.youtube.com/watch?v=UCbLHfYkiwg
https://www.youtube.com/watch?v=kdPQs5F3Ga4
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