Samedi 21 janvier 2023
Christian Morgenstern 1871 – 1914
Trouver le sentier
Ceux qui
migrent vers la vérité,
migrent seuls,
personne ne peut être
l’autre
frère de chemin.
« Je me suis toujours ressenti comme double », note Christian Morgenstern dans un carnet. De fait, deux natures en apparence contradictoires coexistent en lui : celle du « chercheur de Dieu » et celle de l'humoriste. Mais dans l'esprit du public, le second a effacé le premier. C'est aux grotesques Galgenlieder (Chants du gibet) que l'écrivain doit sa renommée littéraire.
Né à Munich le 6 mai 1871, Christian Morgenstern est le descendant d'une famille de peintres réputés. La mère du jeune Christian meurt très tôt de la tuberculose (1881). Le poète, à qui elle a légué son mal, est obligé, en 1893, d'interrompre ses études de droit. À peine remis, il s'installe à Berlin. La bohème berlinoise est le berceau des premiers Galgenlieder. Berlin, où Morgenstern deviendra lecteur dans la maison d'édition Cassirer, en 1903, constitue avec Merano l'un des rares points fixes de son existence vagabonde. Le dernier voyage, de cliniques en sanatoriums, se termine à Merano, où le poète meurt le 31 mars 1914.
La création lyrique entre 1895 et 1905 est inégale. On y trouve, surtout au début (Au château de Phanta, 1895), une poésie d'inspiration philosophique écrite dans un style pathétique où se lit l'influence de Nietzsche. Mais au sanatorium de Birkenwerder se produit, en novembre 1905, un événement spirituel d'une portée considérable. Dans une sorte d'illumination mystique, Morgenstern découvre la parfaite coïncidence de Dieu et de l'homme, de Dieu et du monde. Dès lors, il peut interpréter la parole du Christ « Moi et le père, nous sommes un » (Évangile selon saint Jean, x, 30) comme la simple confirmation du système « théomoniste » qu'il élabore en 1906-1907 : Dieu se pense en nous, dans notre propre cerveau. Il se dit « Dieu » à lui-même par notre propre bouche. Cette « énorme idée » fournit la matière des aphorismes que la veuve du poète publiera en 1918 et donne à la poésie lyrique (Recueillement, 1910) une tonalité originale. Mais en 1909, Morgenstern se convertit aux vues théosophiques de Rudolf Steiner. le fondateur de l'anthroposophie. Le recueil Nous trouvâmes un chemin (1914) reflète ce dernier avatar spirituel du poète. L'œuvre est sibylline pour les non-initiés, mais d'une austère beauté.
En dehors d'Horatius travestitus (1897), l'œuvre humoristique de Morgenstern comprend les Galgenlieder, Palmström et un certain nombre de poésies posthumes. Les Galgenlieder — nom donné à l'ensemble de cette production — sont nés d'une farce. Lors d'une excursion, Morgenstern et ses amis découvrent en 1895, près de Potsdam, une colline où se dressait jadis un gibet. De retour à Berlin, ils fondent la « Compagnie du gibet ». Les Galgenlieder sont donc à l'origine des chants pseudo-liturgiques qui accompagnent les cérémonies burlesques et macabres que célèbrent les compagnons. De leur naissance, ils garderont jusqu'au bout l'empreinte ludique. En revanche, le grotesque qui règne dans les premiers poèmes s'atténue. À partir de 1905, il n'est plus guère qu'« vêtement » dans lequel le poète loge une réflexion philosophique : la poésie du gibet s'inscrit dans la marge de la méditation du mystique et subit une dernière mutation lorsque Morgenstern adhère à l'anthroposophie. De Rudolf Steiner, les deux héros de Palmström (1910) tiennent probablement leur nature immatérielle. Ce sont de purs esprits, doués d'une imagination débordante, mais dont les inventions n'existent que par la grâce des mots. D'instinct, l'humoriste exploite ce que sa réflexion sur le langage, stimulée par les théories de Fritz Mauthner, lui révèle par ailleurs : l'aptitude que possèdent les mots à dire l'irréel ou le virtuel. Les insolites créatures qui peuplent l'univers du gibet sont nées de cette « escroquerie » verbale. Mais c'est surtout l'ambiguïté lexicale qui constitue un facteur déterminant de l'affabulation. À tel point que certains commentateurs conçoivent les Galgenlieder comme le produit d'un pouvoir créateur autonome du langage. Thèse contestable, mais qui souligne l'importance de l'alchimie du verbe, dans une œuvre dont le créateur apparaît comme un précurseur de l'expressionisme et de la poésie moderne.
Morgenstern a également traduit en allemand une bonne partie de l'œuvre théâtrale d'Ibsen.
C’est
vers
la beauté que
guide ton œuvre, car la beauté arrive en
dernier lieu à travers toutes les révélations qui
nous sont
faites.
De la
douleur de l’homme à
des harmonies toujours
plus
élevées,
tu libères
le sentiment étourdissant
jusqu’à ce
qu’il résonne
dans la lumière d’amour
de la béatitude...
C’est
de la
beauté que vient ton
œuvre.
*
Ne demande
rien à
qui que ce
soit, que tout
le monde en ait, que tu
n’es pas élu par un esprit de juge.
Tais-toi, et
donne
au seul
monde de ta
paix, Et je n’ai point mis ton bien sur
rien, et n’ai point été ici.
*
Ne regarde
pas ce
que font les
autres, les autres
sont tellement
nombreux, tu n’entres que dans un jeu qui ne se reposera
jamais.
Va par la
voie de Dieu,
ne laisse rien
d’autre
être guide, alors tu marches droit et droit, et tu y vas tout seul.
*
O comme
j’aime
apprendre la douceur,
mon cœur,
de ta bouche,
suis-toi en silence dans des terres purifiées !
Et nous
regardons
ensemble vers le monde,
avec leur réprime,
et au
lieu de le condamner, nous les laissons aller et nous l’accepterons.
*
O nuit, des
étoiles,
je baigne
le corps et l’esprit dans tes mille
soleils -
O nuit qui m’entoure
de révélations,
rends-moi
ce que tu sais!
Pour aller plus loin :
Strauss : Métamorphoses (Barbara Hannigan): https://www.youtube.com/watch?v=w3QvRnPoD-w
Pierre Boulez : La Nuit transfigurée opus 4 d’Arnold Schoenberg: https://www.youtube.com/watch?v=yzSaOWPBFqA
Rudolf Kempe / Dresden State Orchestra 13-24 June.1970 R.Strauss : Tod und Verklärung, Op.24: https://www.youtube.com/watch?v=bkdy8xOW0nY
… et pour les germanophones uniquement...
Hörbuch: Wir fanden einen Pfad: Neue Gedichte by Christian Morgenstern | Komplett | Deutsch: https://www.youtube.com/watch?v=FIUX1UHasTI
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