Historique du temple

L'église St Etienne actuelle, de style néogothique, date de 1868. Elle est l'oeuvre de l'architecte municipal Jean-Baptiste Schacre. Sur son emplacement, s'élevait une église du XIIème siècle, à laquelle on avait adjoint, au cours de la 1ère moitié du XIVème siècle, un chevet gothique ainsi que des verrières (dont la plupart sont visibles dans l'église actuelle).
En 1707, le clocher avait été transformé par l'adjonction d'un bulbe. Malheureusement, ce bâtiment, jugé désuet, quelque peu délabré et trop petit, fut rasé en 1851.
Toutefois, le site est plus ancien qu'on ne le pensait encore récemment. En effet, des fouilles effectuées en 1990, lors de la restauration de la place de la Réunion, révélèrent les fondations d'une église carolingienne, datant du Xème siècle.

La première église

L'abbaye St Etienne de Strasbourg semble avoir possédé à Mulhouse en 1003 des propriétés acquises dès le VIIIème siècle. On peut penser qu'il existait à Mulhouse, sous la domination de l'abbaye St Etienne de Strasbourg, un lieu de culte avec une organisation paroissiale, présidée par un prêtre (1ère église St Etienne). Les récentes fouilles viennent corroborer ces suppositions.

La deuxième église (Stefanskirche)
Intérieur de l'ancienne église Saint Etienne (Stefanskirche)
Vue de l'ancienne église Saint Etienne (Stefanskirche).

En 1187, un certain maître Daniel, chapelain de Frédéric Barberousse, était curé de Mulhouse. Il existait donc à Mulhouse une paroisse et une église paroissiale, qui avait été construite entre 1175 et 1200 et qui subsista jusqu'en 1851. Cette 2ème église St Etienne, située sur la place du marché, de style roman, était entourée du cimetière et des échoppes s'adossaient contre l'édifice. Ses parois intérieures étaient couvertes de peintures imitant des tapisseries. Un curé et quelques chapelains y officiaient. L'église est mentionnée pour la première fois dans une charte datant de 1236, mais sans dénomination exacte. Il y est cité un "Henri", curé de Mulhouse. La fabrique de l'église est mentionnée dès 1298.
Etonnant : Une ordonnance du conseil de Mulhouse stipule qu'en cas de décès d'un bourgeois ou d'un habitant, un de ses meilleurs habits doit revenir à la fabrique de l'église.
Le clergé paroissial de Mulhouse se composait, aux environs de 1300, du curé-administrateur (desservant du maître-autel, dédié à St Etienne), de 2 aides et de 7 chapelains (desservant les 7 autels érigés à l'église St Etienne). Il faut ajouter ceux qui desservaient des chapelles paroissiales (3 à Notre-Dame, 1 à Ste Catherine-hors-les-Murs, 1 au St Esprit), soit 12 au total.
Entre 1330 et 1347, la célébration de tout service divin était interdit. Mulhouse avait reconnu Louis de Bavière comme roi. Or, celui-ci ayant été excommunié, la ville de Mulhouse avait été mise en interdit. En effet, pour des raisons politiques, Louis IV de Bavière (1287-1347) voulut usurper l'autorité de la papauté.
Vers 1332, la cure est passée d'un prêtre séculier à un prêtre régulier. Le curé était nommé par l'ordre teutonique. Il ne logeait pas dans la commanderie, mais au presbytère situé place Lambert. Il tirait ses revenus de la prébende, qui consistait en terres, en rentes et arrérages et en dîmes.
Durant tout le XIVème siècle, l'église St Etienne reçut un grand nombre de dons et de legs. La donation la plus importante fut celle du curé Jean Zachaeus. (Ce legs stipulait que le clergé de St Etienne serait tenu de célébrer, le mardi de chaque semaine, avant la grand'messe, une vigile et une messe des morts à la mémoire du défunt et que tous les prêtres de l'église seraient tenus de participer à ces offices et toucheraient de ce fait la prébende ou "présence", c'est-à-dire une quote-part fixe des revenus légués. Le sacristain sera tenu de sonner la petite cloche suspendue au-dessus du choeur au début et à la fin de la vigile). Le legs était évalué à 20-25 000 francs-or. La population faisait donc des efforts financiers importants en faveur du clergé; ce sont donc les bourgeois de Mulhouse qui ont augmenté les revenus du clergé de l'église.
De nombreux dons furent également effectués entre 1420 et 1430, quelques-uns fin du même siècle, puis une série début du XVIème siècle. Chacune de ces périodes de générosité correspond à une période de l'histoire architecturale de l'église St Etienne :

  • milieu du XIVème siècle: première transformation: choeur agrandi, surélevé, adjonction d'un chevet gothique; le choeur fut orné des vitraux; 
  • entre 1351 et 1419: 4 nouveaux autels sont créés et pourvus de prébendes; ils étaient dédiés St Jacques, à St Martin et aux Onze-mille-vierges, à Saints Erard et Léonard
  • 1375-1425 : mise en harmonie de la nef avec le choeur
  • vers 1450, seuls la tour et les 2 bas-côtés de l'édifice primitif susbsistaient; ils furent transformés fin XVème-début XVIème siècle. L'église reçut aussi une belle série de fresques (l'une datait de 1505).
  • en 1508, l'ancien maître-autel dédié à St Etienne est remplacé, grâce à des fonds provenant de la communauté des chapelains (mais sans l'autorisation du curé, alors que le maître-autel lui était réservé ! ce dernier refusa de consacrer l'autel; les négociations entre les diverses instances concernées durèrent 2 ans).
  • en 1707, la tour, dans sa partie supérieure, a été restaurée et un bulbe lui a été adjoint.

Les chapelains cherchaient à arrondir leurs revenus, en exerçant des activités extérieures: calligraphes, miniaturistes, relieurs, 1 facteur d'orgue; la plupart devaient remplir à l'occasion l'office d'écrivain public, d'organiste suppléant, de maître de latin dans l'école latine. La situation du clergé séculier de la paroisse donnait parfois lieu à des discussions, voire à des conflits, au sujet des droits et des obligations réciproques, entre le curé et les chapelains (ou entre ceux-ci). Quelques fois les autorités civiles s'en mêlaient pour défendre le cas échéant leurs intérêts. Vers la fin du XVème et surtout au début du XVIème siècle, les plaintes contre les chapelains devinrent de plus en plus fréquentes: il s'agissait souvent de chapelains refusant de prendre leur résidence à Mulhouse, ou qui, après y avoir reçu une prébende, partaient et sollicitaient des prébendes ailleurs, ou qui négligeaient leurs devoirs.
A la fin du XVème siècle se développent des confréries à but religieux, moral et philanthropiques. La plus ancienne et la plus importante était la confrérie de la Ste Vierge, qu'on appelait aussi la confrérie de St Etienne ou confrérie des chapelains, parce qu'elle avait son siège à St Etienne et qu'elle avait été fondée par le curé et les chapelains.

L'église de Mulhouse et la Réforme

Le défaut d'ordre, le manque de discipline, voire le relâchement des moeurs de la part du clergé de l'église paroissiale ont conduit à des réactions de la part de la population. L'ordre teutonique ne remplissait plus ses devoirs: ainsi, en particulier,
- il n'a pas cru devoir pourvoir, parfois pendant des années le poste du curé,
- il n'est pas intervenu pour réprimander ceux des clercs, logés dans la commanderie, qui remplissaient nuitamment les rues de la ville de leurs cris et de leurs disputes, et qui, par ailleurs, se rendaient coupables de coups, blessures, concubinages, ...
Aussi, quand les idées de la Réforme s'implantèrent à Mulhouse, la majorité du clergé séculier de la paroisse se rangea du côté du parti de la Réforme. D'autant plus que la bourgeoisie mulhousienne était sympathique aux idées de Zwingli et de Luther. Par ailleurs, les innovations entreprises trouvèrent l'agrément des autorités de la ville. Dès 1523, les magistrats offrirent leur protection aux représentants du clergé qui s'approprieraient les idées de la Réforme et exigèrent de la population une tenue conforme aux exigences de l'Evangile.
Le premier pasteur protestant de St Etienne fut Augustin Gschmus, assisté par Nicolas Prugner. Ce dernier publia en 1524 des thèses énergiques contre le maintien des cérémonies contraires aux Saintes Ecritures. Les nombreux jours fériés inutiles, prévus par la papauté furent réduits à leur strict minimum et les processions furent interdites. Toutes ces nouveautés n'étaient pas du goût de tous. Mais en 1529, la messe fut abolie. Depuis cette époque, le culte réformé était célébré à St Etienne.
Des affaires de famille, des maladresses de la part du maire de la ville conduisirent à des affrontements à la fin du siècle, mais après les émeutes de 1583-90, le calme se rétablit.
A l'époque, St Etienne a souvent servi de salle de réunion lors de la prise de décisions importantes (avec le conseil municipal), ou lors de réunions avec des délégués suisses (Mulhouse était une alliée des cantons protestants suisses).

Rien de particulier n'est à signaler au cours du XVIIème siècle: Mulhouse était devenue une ville réformée; et cela perdura au cours du XVIIIème siècle. Ainsi, aucun changement n'eut lieu lors de l'avènement de l'ère industrielle au milieu du XVIIIème siècle. Les catholiques, venant de l'extérieur de Mulhouse pouvaient être embauchés comme travailleurs ou employés, mais ne disposaient d'aucun droit civique à Mulhouse. (Les mariages mixtes entre protestants et catholiques étaient interdits, au moins jusqu'à la fin du XVIIIème siècle).

Les cultes à St Etienne étaient nombreux à l'époque:
     le dimanche: 3 cultes et un catéchisme,
     en semaine: 4 cultes et 3 réunions de prière.

La paroisse disposait de 4 pasteurs.

Cette période était caractérisée par un lien étroit entre la municipalité et l'église. Cette situation a perduré jusqu'en 1798, année marquée par la réunion de Mulhouse à la France et donc par la séparation état-église. Ces événements conduisirent progressivement à l'abandon du statut réformé de la ville et dès 1803, on retrouve une communauté catholique (église des franciscains, église Ste Marie par la suite).
Il faut faire remarquer qu'une petite communauté réformée française, qui avait été fondée au XVIIème siècle s'était installée à l'église des franciscains. Au moment de ces événements, elle dut abandonner cette église et trouva refuge à St Etienne, avant de pouvoir intégrer un temple à elle (temple St Jean; 1836: date de la pose de la première pierre).


Fin de la construction de la flèche du Temple Saint Etienne.
L'ancien clocher à bulbe est resté en place dans le but de servir de poste d'alerte incendie.

La troisième église

Dès le milieu du XIXème siècle, des discussions eurent lieu à propos de la reconstruction de l'église St Etienne. Celle-ci était dans un état délabré et nécessitait régulièrement des dépenses d'entretien importantes; en particulier, le sol de l'église, situé à un niveau inférieur à celui de la place de la mairie, devint humide par suite de l'infiltration d'eau de la nappe phréatique.
Par ailleurs, le bâtiment était devenu trop petit. Les tractations correspondantes, entre conseillers municipaux et paroissiaux, furent très longues et ce n'est qu'en 1851 que la destruction du bâtiment fut décidée. C'est le 15 août 1859 que la première pierre a été posée et le nouveau temple inauguré le 1er novembre 1866. C'est Jean-Baptiste Schacre, architecte municipal, qui conçut les plans de la nouvelle église (le même architecte avait déjà établi les plans de l'église St Etienne catholique, inaugurée en 1860). La construction avait été financée essentiellement par les paroissiens, dont, en particulier, monsieur et madame André Koehnlein (tableau commémoratif au temple). Environ 3000 personnes assistèrent à la pose de la première pierre.
De l'ancienne église, il subsiste:

  • quelques épitaphes, dans la sacristie, 
  • les stalles, de style renaissance rhénane, ornées des armoiries de la ville et de l'empire ont été replacées au temple actuel. Les deux groupes de stalles en chêne sculpté datent de 1637. Elles se trouvaient dans le choeur de l'ancienne église et étaient réservées aux membres du petit conseil de la ville : 
  • le groupe de sept sièges était réservé aux trois bourgmestres, au greffier-syndic, aux deux trésoriers et au baumestre; le groupe de six sièges était réservé aux autres conseillers. 
  • les verrières, démontées en 1858, qui n'avaient été mises en place qu'en 1905 
Par ailleurs:
  • la chaire, qui date de 1647, a été offerte au temple d'Illzach;
  • le buffet de l'ancien orgue Silbermann et la table de communion ont été transférés au temple St Jean; 
  • d'autres objets se trouvent au Musée Historique.

Enfin, le temple a été doté d'un orgue en 1868 (Walcker, Ludwigsburg), transformé en 1905 et en 1951. (Voir la page Les Orges Walcker )