30 décembre 2023
NICOLAS DE CUES
1401 – 1464
Dieu, l'ignorance et les mathématiques
„Eine so hohe Persönlichkeit wie Nikolaus Cusanus wirkte schon im gewöhnlichen Leben aus der Arupa-Sphäre heraus. Zwar handelt jeder Mensch aus der Arupa-Sphäre heraus, aber nur wenige wissen etwas davon. Je höher sich ein Mensch in der Zeit zwischen zwei Erdenleben in die Arupa-Sphäre erhoben hat, desto mehr kommt das Göttliche bei ihm zum Durchbruch. Cusanus hat ein Werk geschrieben über das Nicht-Wissen aus dem höheren Wissen heraus: «De docta ignorantia». Ignorantia heißt Nicht-Wissen, und Nicht-Wissen ist hier gleichbedeutend mit höherem Anschauen. In seinen Büchern hat er das folgende ausgesprochen: Es gibt einen Wahrheitskern in allen Religionen, wir brauchen nur tief genug in dieselben hineinzuschauen. - Er hat auch schon ausgesprochen, daß die Erde sich um die Sonne bewegt. Er hat das aus einer Intuition heraus gesagt. Kopernikus hatte diese Erkenntnis erst im 16. Jahrhundert, Cusanus bereits im 15. Jahrhundert. Eine solche Inkarnation wie die des Cusanus ist im Zusammenhang zu betrachten mit seiner späteren Verkörperung. Cusanus weist schon hin einerseits auf die zukünftige Theosophie und andererseits auf die zukünftige moderne Naturwissenschaft. Das hatte Einfluß auf seine folgende Inkarnation. Nikolaus Cusanus war es, der in Kopernikus wiedererschienen ist.“
Rudolf STEINER
Une heure en musique...
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On dit de N. de Cues (1401-1464) qu'il fut le dernier penseur médiéval et le premier penseur de la Renaissance. Né à Cusa, sur les bords de la Moselle en Allemagne, N. de Cues a suivi des études de droit canonique. Il participe au Concile de Bâle à partir de 1432. Cet épisode lui inspire sa première oeuvre en 1433, le De Concordia Catholica. Mais en 1434, il perd un procès et se tourne vers le pape dont il va devenir un précieux collaborateur. En 1437 et 1438, il est envoyé en mission en Crète pour réunir un synode entre l'église grecque et l'église de Rome. C'est pendant le voyage en bateau qu'il a l'idée de la coïncidence des opposés.
En 1440, il écrit son principal ouvrage philosophique, De Docta Ignorantia. Immédiatement, il le complète par le De Conjecturis qui se présente comme un art général de la conjecture avec quelques applications pratiques. Il se sert de figures géométriques dont la plus célèbre est la figure P (L.I, ch. 11) pour traduire à la fois l'unité et l'altérité de Dieu et du monde.
N. de Cues écrit sa première œuvre mathématique, le De Transmutationibus geometricis, en 1445 ; il est alors porte-parole du pape Eugène IV au concile de Bâle. Sa réputation de juriste et de polémiste est telle qu'on le surnommera l'" Hercule des Eugéniens". Il est envoyé en Septembre 1446 à la diète de Francfort, puis en Juillet 1447 à la diète d'Aschaffenbourg pour rallier les électeurs de ces régions au parti du pape. Il reçoit de nombreuses sommes d'argent de la curie pour ses dépenses de voyage et pour les services rendus; il reçoit également de nombreuses faveurs : bénéfices ecclésiastiques, pouvoirs particuliers d'absolution; les titres, enfin, s'accumulent : sous-diacre du pape et archidiacre de Brabant depuis 1442, il nommé cardinal par Nicolas V en Décembre 1448 et prêtre de Saint-Pierre-aux-liens en Janvier 1449.
En 1447, il écrit le De Genesi : Il s'agit d'une réflexion sur l'acte divin de création du monde. Dieu est le " même " et ne peut produire que le même. Son acte créateur est désigné comme une " assimilation ". On y discerne deux mouvements : le même descend vers l'autre; l'autre monte vers le même.
En 1449, il écrit l'Apologia doctae ignorantiae en réponse aux attaques de J. Wenck. D'après ce dernier, N. de Cues ne peut outrepasser le principe de non-contradiction; une telle transgression le conduirait au panthéisme. N. de Cues répond en expliquant la différence entre la raison discursive et la vision intellectuelle; ce sont deux genres différents de connaissance.
Le
De Arithmeticis complementis paraît en 1450. Il écrit aussi le De
Idiota dont le livre le plus important est le De mente. On y
trouve des concepts centraux pour sa théorie de la connaissance. La
pensée est définie comme mesure, comme nombre vivant, comme
mouvement de la passion vers l'intellection.
Le De circuli
Quadratura du 12 Juillet 1450 établit explicitement le lien entre le
problème mathématique (comment atteindre la quadrature du cercle)
et le problème théologique (comment atteindre Dieu).
Sa production s'interrompt pendant près de trois ans ; du 31 Décembre 1450 au 12 Avril 1452, N. de Cues accomplit la plus importante mission de sa carrière, la grande légation en Allemagne; il doit réformer la vie religieuse sur un territoire s'étendant de la Suisse à Hambourg, de Louvain à Magdebourg. En quinze mois, il parcourt plus de 70 villes, passant à Salzbourg, Mayence, Magdebourg, Cologne, Trèves, Hildesheim, Nuremberg, Munich, Utrecht, Amsterdam, Leyde, Liège, Luxembourg, Louvain, etc. Il préside des synodes, publie des décrets de réforme, entend les plaintes, tranche des conflits, rétablit l'ordre dans les impôts ecclésiastiques, met fin aux abus, réprime le commerce dans les églises, prononce quantité de sermons, nomme des délégués. Accompagné d'une petite troupe de trente hommes, il est reçu avec éclat dans la plupart des villes. Les foules se pressent parfois au point de s'étouffer sur son passage. Il est l'un des rares cardinaux allemands du moyen âge. Il cherche à réduire les cultes superstitieux et les pèlerinages pour des reliques suspectes. Ses sermons sont parfois durs. La tâche la plus rude consiste à réformer la vie dans les monastères; les habitudes de luxe, les entorses à la règle, en particulier le concubinage, sont multiples. Pour y parvenir, il convoque des conciles provinciaux réunissant des archevêques, des évêques et des délégués diocésains, il menace d'excommunication des communautés entières si, dans les trois jours, les concubines ne sont pas renvoyées; il désigne ensuite des visiteurs chargés de vérifier pendant un an l'application de ses décrets dans les monastères.
A
la fin de l'année 1452, il regagne son diocèse de Brixen dans les
Alpes autrichiennes. Il se fait un devoir de mener au mieux la
réforme de la vie religieuse dans son propre diocèse en réunissant
plusieurs synodes. Mais il entre en grave conflit avec les
religieuses de Sonnenburg dont l'abbesse est Verena de Stuben.
Là, les jeunes filles de la noblesse tyrolienne mènent, sous
couvert de vie religieuse, une existence des plus libres. L'abbesse
n'entend pas se plier aux injonctions de N. de Cues, et en appelle à
l'intervention du duc Sigismond d'Autriche. Elle joue de la rivalité
entre l'évêque et le duc pour la juridiction territoriale de cette
région. Malgré son attachement à la vie religieuse, N. de Cues est
resté juriste et ne renonce pas à ses droits temporels. Procès,
menaces, intercessions auprès du pape, sursis à exécutions, etc.
tous les moyens sont bons pour résister à N. de Cues; celui-ci en
est très affecté. Il se rappelle les brillantes réceptions lors de
sa légation en Allemagne et ne supporte pas les affronts d'une
abbesse.
Il cherche un réconfort moral auprès des moines de
Tegernsee avec lesquels il entretient une correspondance sur la
mystique. Il leur dédie le De visione Dei en 1453; c'est un exercice
de théologie mystique par l'exemple d'un tableau sur lequel un
visage semble regarder le spectateur quelle que soit sa position face
au tableau. Cette métaphore lui permet de développer une méditation
sur le regard de Dieu, et sur les rapports entre Dieu et la création.
L'année
1453 est l'une des plus fécondes de sa vie. Il vient de recevoir la
nouvelle traduction des œuvres d'Archimède commandée par le pape
Nicolas V à Jacob de Crémone. Il écrit le De Mathematicis
complementis. Aussitôt après, il rédige le Complementum
Theologicum. Avec ce texte, N. de Cues inverse l'ordre habituel de
rédaction de ses idées : il a écrit un complément mathématique;
il le complète aussitôt par un complément théologique pour
montrer les applications de ses idées mathématiques en théologie
(alors qu'habituellement, les textes mathématiques sont conçus
comme des illustrations après-coup de ses thèses théologiques).
Les deux registres coexistent en permanence dans ses
préoccupations.
En 1454, N. de Cues écrit le De Pace Fidei. Cet
ouvrage contemporain de la prise de Constantinople par les Turcs est
un dialogue entre des représentants de diverses religions. N. de
Cues s'efforce de démontrer qu'on pourrait dépasser les divisions
religieuses, convaincu que ces divisions se situent dans les usages
et les rites, et non dans la vénération d'un Dieu unique. Il dégage
- de son point de vue - les traits essentiels et communs d'une
religion universelle.
L'année
1455 est plus détendue : N. de Cues se cherche un successeur pour
son évêché. Puis l'affaire de Sonnenburg tourne mal quand
l'abbesse engage des mercenaires à son service pour prélever de
force des impôts sur les habitants de la région; il en résulte un
combat, des massacres et un pillage. En Juillet 1457, N. de Cues doit
se réfugier dans la forteresse d'Andratz. En apprenant ces
événements, le pape est indigné et somme le duc Sigismond de
rendre sa liberté à l'évêque; mais il faut parlementer jusqu'au
printemps pour que N. de Cues puisse quitter Andratz en Mars 1458.
Le
De Mathematicis complementis ayant donné lieu à des échanges avec
ses amis, N. de Cues essaie d'améliorer ses démonstrations en
rédigeant en 1457 Des courbes et des cordes. Ce texte se présente
comme un compte-rendu d'une discussion qui aurait réellement eu lieu
entre N. de Cues et Toscanelli.
Le De caesarea circuli quadratura est achevé le 6 Août 1457, alors que N. de Cues était retenu depuis le 10 Juillet dans la forteresse d'Andratz. On sent poindre à la fin de ce texte un certain agacement à l'égard des critiques qui lui ont été faites, agacement qui est sûrement aussi en rapport avec sa situation d'assiégé.
Le 30 Septembre 1458, après qu'il a définitivement perdu son diocèse, N. de Cues rentre à Rome. Il écrit le De mathematica perfectione dans lequel il change de position : renonçant à déterminer exactement l'égalité de la droite et de la courbe, il recourt à l'intuition. N. de Cues considérait cet ouvrage comme son meilleur traité mathématique. La fin présente une accumulation d'opérations réalisables par la coïncidence des opposés et laisse croire ainsi au triomphe de cette méthode.
En 1458, il compose le De Beryllo. Comme pour le De Visione Dei, il s'appuie sur une métaphore. Le béryl est une pierre translucide avec laquelle on peut fabriquer des lunettes. N. de Cues imagine un béryl pour l'intelligence, une sorte de loupe mentale comme moyen d'atteindre la vérité invisible. C'est un traité de la connaissance, dans lequel il réexamine des notions comme l'unité, le point, la divisibilité, le minimum, en discutant les principes du platonisme et de l'aristotélisme à la lumière de son propre principe de la coïncidence des opposés.
Le 11 Janvier 1459, il est nommé vicaire général de Rome par le nouveau pape Pie II. Néanmoins, le conflit avec le duc Sigismond n'est pas clos.
En Janvier 1460, N. de Cues doit retourner à Brixen pour réaffirmer son autorité. Malheureusement, il est à nouveau attaqué par une armée de 500 cavaliers et 3000 fantassins. Il se réfugie en Avril à Andratz, mais doit rapidement se rendre; sous la contrainte, il signe un traité par lequel il renonce à sa juridiction temporelle, abandonne les châteaux attachés à l'évêché, annule ses décrets, paie une rançon, etc. Sitôt libéré, N. de Cues récuse ce traité arraché de force et rentre à Rome.
Il écrit en 1462 un nouveau dialogue entre platoniciens et aristotéliciens, le De non aliud afin de définir une nouvelle conception de Dieu comme " non-autre ". Il ne quittera plus Rome jusqu'à sa mort, le 11 Août 1464.
De la docte ignorance
Dieu, ni prononçable, ni mesurable.
Le
De docta ignorantia est un texte à tous égards remarquable
vis-à-vis de la logique qu’il délivre au fur et à mesure de la
lecture, mais il reste difficile dans certaines de ses terminologies
car il est nourri de nombreuses références, parmi lesquelles on
peut citer Saint Augustin, Scot Érigène et Maître Eckhart, et ce
ne sont là que des pointes d’iceberg. Nicolas de Cues a lu et
ruminé les grands auteurs de la chrétienté, et ce n’est qu’en
1440 qu’il met le point final à sa réflexion, après trois années
de rédaction. Si l’on a pu dire du Cusain qu’il fut le plus
grand mystique de son temps, la postérité l’a volontiers comparé
à une passerelle entre l’époque médiévale et l’époque
moderne, comme s’il avait définitivement synthétisé les
inquiétudes de la théologie médiévale tout en préparant les
problématiques du lendemain, déjà travaillées par un souci de
laïcisation entre les facultés proprement humaines de la raison et
les manières dont Dieu trouve à s’exprimer dans le monde –
entre la connaissance des hommes d’une part, finie et imprécise,
et les expressions de Dieu d’autre part, infinies et absolument
précises, il n’existe aucune équivalence de vocabulaire ; nos
langages sont incompatibles avec la grammaire divine, notre syntaxe
est trop frileuse pour capter ne serait-ce qu’une partie de la
langue créatrice par excellence.
En d’autres termes, Nicolas
de Cues a posé de façon radicale les limites de nos pouvoirs de
connaître, traçant une frontière entre la parole déceptive qui
voudrait rapporter les signes de Dieu et la tendance inconnaissable
avec laquelle Dieu émane de lui-même dans le monde qu’il a créé.
Si la théologie affirmative attribuait des qualités à Dieu, la
théologie négative en a fait la correction en soutenant que la
raison humaine était incapable de se livrer à un si périlleux
exercice de prédication. L’auteur de La Docte Ignorance réfléchit
les deux traditions théologiques sans faire état des récompenses
ou des blâmes : il propose une théologie mystique où Dieu se dit
dans les termes de l’Un, à partir de quoi s’élabore un discours
qui instruit la théologie d’une posture mathématique,
c’est-à-dire, en définitive, un projet régulateur pour le savoir
que nous sommes susceptibles de développer. La conséquence de ceci,
c’est que l’on passe d’une métaphysique de l’Être,
largement héritée d’Aristote, à une métaphysique de l’Un,
davantage néoplatonicienne, et même annonciatrice dans son principe
de la méthode kantienne où il faudra réinvestir la nature sans
penser qu’on en possède autre chose qu’une connaissance
artificielle (= la connaissance mathématique des symboles, celle qui
paraît aller le plus loin en matière de savoir). En effet, une fois
que notre savoir s’est reconnu comme limité, en dépit de tous ses
efforts symboliques ou poétiques, il ne peut plus songer connaître
le monde comme Dieu le connaîtrait. Trois siècles avant Kant, le
Cusain nous apprend ni plus ni moins que nous n’avons d’autre
choix que celui de vivre dans un monde multiple, essentiellement
chaotique. Depuis ce monde de la comparaison et du mesurable, il ne
servirait à rien de vouloir se prononcer sur l’Un. Ceci étant
posé, il nous incombe de construire des liaisons, des jugements
synthétiques, de penser rationnellement notre ignorance, ce qui
devrait au mieux nous permettre de retrouver un peu d’ordre dans le
chaos, au pire nous inciter à commencer ce travail en nous
dispensant de prendre le problème à l’envers, en l’occurrence
en commençant par Dieu.
Que nous ne puissions rien dire de l’Un, c’est-à-dire de Dieu, c’est la grande leçon d’ignorance de ce traité. De la vérité absolue, nous n’aurons jamais rien que des vraisemblances déformées. Autrement dit, la connaissance la meilleure que nous pouvons espérer obtenir, c’est celle de notre propre ignorance, et ce sera déjà beaucoup si nous nous efforçons de la rationaliser. Savoir que l’on ne peut pas savoir absolument, qu’est-ce sinon la conclusion de la philosophie socratique ? On aura beau avoir testé un maximum d’hypothèses, on n’en sera pas plus avancé, sinon dans l’acte de sagesse qui s’évertue à poser des questions en dépit des maigres résultats obtenus. L’enjeu n’est cependant pas le même que celui de la première philosophie platonicienne, qui consistait à entretenir le Logos de la discussion, déployant de la sorte un apprentissage du questionner et du répondre dans un contexte dialogique où les problèmes devaient se dire et se dédire.
Avec le De docta ignorantia, Nicolas de Cues souhaite examiner les tenants et les aboutissants de l’inconnaissabilité de Dieu. L’objectif profond de cet examen est de cerner les préliminaires d’une anthropologie où l’homme se serait mis dans la capacité de réinitialiser la place de sa raison par rapport à l’intellect divin. Il s’agit de différencier une vérité de foi d’une vérité de raison, la première étant plus appropriée que la seconde dès lors que le Verbe divin est recherché. La raison ne peut se concentrer que sur du mesurable, elle est parfaitement inadaptée à l’intelligence de Dieu qui n’a en outre pas besoin de nous pour intelliger. Que l’on désire Dieu est une chose, mais si nous le désirons, c’est parce que lui, au préalable, nous désire. Ce rapport « érotique » est imprononçable en raison, et ceux qui le poursuivent malgré tout se trompent sur leurs possibilités d’auto-transcendance. La vérité scientifique n’est acceptable que dans un monde approximatif et pourtant perfectible, d’où le fait que la science ne puisse se concevoir qu’à l’instar d’une série d’erreurs rectifiées. De l’Un, nous n’avons rien à raconter, ni même rien à modifier. Si nous lui attribuions des qualités, nous le diviserions, en quoi nous entrerions dans la plus grande corruption de la raison.
Ce
positionnement religieux témoigne du fidéisme de Nicolas de Cues.
La vérité religieuse, selon le fidéisme, ne dépend que du seul et
unique acte de foi, s’appuyant sur la continuité d’une tradition
plutôt que sur une étude poussée de la raison humaine. Entre les
vertus théologales que sont la foi, l’amour et l’espérance,
l’attitude fidéiste accorde la prépondérance de la foi. Aussi,
quand le Cusain parle de Dieu comme de l’Un ou du « Maximum absolu
», il ne s’ensuit pas qu’il faille comprendre ces termes
mathématiques au travers d’une démonstration rationnelle. Dieu
est l’incompréhensible total, il n’est justiciable d’aucune
analogie avec l’univers du multiple, malgré le fait qu’il
coïncide avec toutes choses dans un rapport immédiat et purement
interne à la divinité. Dans un écrit ultérieur, le Cusain
complètera les expressions « Un » ou « Maximum absolu » en
proposant le non moins énigmatique « Non-Autre ». À la fois avec
tous et sans personne, partout et nulle part, Dieu est celui-là seul
qui peut supporter le paradoxe de son infinité et du monde fini
qu’il a créé. Or comme nous n’avons accès qu’à la finitude
du monde, nous ne pouvons que mal comprendre Dieu, sinon dans son
incompréhensibilité, et surtout notre intelligence se heurte à la
façon que Dieu a de se complexifier en s’exprimant dans le
monde.
Notre monde habitable, d’ailleurs, prend le nom de «
Maximum contracté » dans le traité. Tout ce que le Cusain écrit
sur le « Maximum contracté » est une source d’éclairage afin de
ne pas confondre l’univers des formes et des proportions
mathématiques avec la perfection qui relève d’une substance
immuable. Pour le dire autrement et de façon tout à fait
convaincante, tel que le fait Hervé Pasqua dans sa lumineuse
introduction qui nous a beaucoup assisté dans notre lecture, les
conclusions tirées du « Maximum contracté » ont pour but de
proposer un distinguo entre le domaine de la sagesse, où l’ignorance
s’affirme, et le domaine de la science, où les calculs sont
opérations de presque tout sauf de l’Un, lequel est au-delà du
nombre. La personnalité de Jésus-Christ, quant à elle, est évoquée
comme un maximum à la fois absolu et contracté, parce qu’il est
le point de ralliement de la sagesse et de la science, existant aussi
bien dans l’ignorance salvatrice que dans la parole pragmatique.
Ces trois « maximums » ont pour conséquence de renouveler la
conception de la Trinité, mais sur ce point nous ne pouvons guère
présenter quoi que ce soit, le problème étant hors de notre
portée, en cela qu’il mériterait une lecture plus experte que la
nôtre ainsi que l’aiguillon plus aiguisé d’un docteur de
l’Église.
Matthieu Denni
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