Malgré les polémiques liées au passé de Roman Polanski, sa version de l'Affaire est particulièrement convaincante tant par la qualité de son interprétation et de sa réalisation que par le parti-pris choisi.
En se plaçant du point de vue du colonel Marie-Georges Picquart, archétype de l'officier français, né en Alsace comme Alfred Dreyfus (à Strasbourg, à Mulhouse pour Alfred Dreyfus) et ayant dû quitter la région après la défaite de 1870, Polanski met en lumière l'antique vertu de la franchise ou, pour le dire avec les mots de Michel Foucault, du "Courage de la vérité".
Cette vertu de la parrêsia, que le Nouveau Testament, qualifie indifféremment de "confiance" (Hébreux 3,6), "liberté" (Éphésiens 3,12) ou encore "d'assurance" (Philippiens 1,20) est en effet au cœur du film comme de l'Affaire. Car, dès l'instant où Picquart est convaincu de l'innocence de Dreyfus, il accepte le risque de tout perdre, comme Zola qui sait qu'en publiant son article "J'accuse", il se place délibérément sous le coup de la nouvelle loi sur la presse de 1881.
En affrontant le déshonneur, la prison et la haine populaire, Picquart est un de ces hommes ordinaires, qui, comme le voulait Boileau, peuvent "être des héros sans ravager la terre", simplement en faisant ce qui est juste. En considérant également qu'il y a plus d'honneur pour la Nation et pour l'armée dans le rétablissement de la vérité que dans la continuation du mal. Car le bien se distingue justement du mal par le fait qu'il n'existe pas sans courage ni vérité qui sont les seuls moyens d'arrêter la prolifération du mal.
Outre cet impératif moral, J'accuse nous montre aussi le changement d'un homme, antisémite assumé à l'orée du film et membre fondateur de la Ligue des Droits de l'Homme après son propre combat pour la réhabilitation de Dreyfus. Une manière de dire que nous ne sommes jamais condamnés à vivre dans le mal et qu'une rédemption est vraiment possible ici-bas.
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