Théologie pour les curieux 16 - 3 septembre 2016

Au moment de la reprise de Théologie pour les curieux en ce début d'automne 2016, il nous faut revenir sur les évènements de l'été, marqué par les attentats du 14 juillet à Nice et à Saint-Étienne du Rouvray.

L'ouvrage de Crouzet et Le Gall a l'immense intérêt de revenir sur une période de notre histoire de France marquée par l'affrontement religieux entre catholiques et protestants. Une période largement méconnue dont les auteurs marquent à la fois les ressemblances et les profondes différences avec notre temps. Alors que la crainte d'une guerre civile se développe ils montrent à quels points les enjeux du XVIe siècle sont différents des nôtres car les guerres de religion sont alors plus une contestation interne de l'absolutisme politique et religieux qu'une remise en cause culturelle comme aujourd'hui. Catholiques et protestants en guerre partageaient néanmoins un même héritage culturel.

Un véritable antidote, tout en étant lucide sur nos réalités contemporaines, à la désespérance ambiante.

PUF, Paris, mai 2015, 104 pp., 12€

Toujours dans ce contexte d'affrontement sur une base religieuse et culturelle, l'ouvrage de Fethi Benslama permet de comprendre le fonctionnement intérieur de l'islamiste pour qui la mort n'est pas une crainte parce que la vie qu'il vit n'a de valeur qu'à la mesure de son obéissance aveugle à ce qui lui est dicté par l'appartenance à l'Oumma, réalité fantasmée dont les islamistes se revendiques.

C'est à la mesure des faiblesses, réelles ou supposées, de cette communauté des croyants, que se joue le désir de sacrifier son existence pour établir cette réalité. Puisque sa propre vie ne prend sa mesure que dans le sacrifice, la vie des autre, a fortiori des incroyants ou des faux musulmans, n'a aucun valeur, fut-ce celle des femmes et des enfants et plus largement des civils. Nous sommes alors tous des cibles, non parce que nous sommes déshumanisés mais parce que l'existence du jihadiste vaut par son sacrifice.

Connaître son adversaire de l'intérieur est nécessaire pour sortir de la sidération et réagir en connaissance de cause?

Le Seuil, Paris, mai 2016, 160 pp., 15€

Nous avions fini la saison passée sur la notion du diable, l'histoire de ses représentations et  ses racines bibliques et manichéennes. La réédition du Dictionnaire du Diable de Roland Villeneuve, 1ère parution en 1998 vient nous éclairer sur l'apparition dans les cultures populaire de ce "côté obscur de la force" car il est évident que le Diable concentre l'antithèse même des attributs divins. C'est ainsi que, a contrario, se manifestent les premiers doutes quant à la réalité même de la chose. Montaigne étant l'un des premiers libres penseurs, osant doute de l'existence même du diable par sa fameuse critique de "la ligature de l'aiguillette", censée amollir les virilités. Il semble plus facile d'être indifférent à Dieu ou de douter de son existence. Car douter du diable, qui s'y risquerait ?

Omnibus, Paris, mars 2016, (1ère éd. 1998), 1088 pp., 26€


L'une des grandes forces du christianisme est d'avoir toujours critiqué de l'intérieur ses propres fondements. Les premières exégèses critiques ont été le fait de biblistes catholiques qui prétendaient démontrer que le sola scriptura des protestants n'était pas possible parce que la Bible était truffé d'erreurs, d'approximations et de contresens terminologiques. Ils entendaient ainsi réfuter la thèse de l'inspiration divine et restaurer la nécessité de l'autorité de l'Église dans l'interprétation.

Aujourd'hui que le catholicisme a renoué avec une forme de religion du livre, alant jusqu'à ritualiser à l'outrance le respect dû au texte, à la "parole d'évangile", il est sain qu'une critique interne au catholicisme renaisse. Mais il y a longtemps que les difficultés textuelles ont trouvé leur place dans la théologie. Mais l'intérêt de l'ouvrage réside surtout dans la remise en perspective des traductions catholiques fondées sur la bible latine, dite Vulgate.

Éditions Golias, Lyon, 240 pp., 16€


La préoccupation du Jésus de l'histoire est récurrente depuis le XIXe siècle. C'est avec la critique de Ernest Renan qu'apparaît vraiment la mise en doute de l'existence historique de Jésus et a notamment culminé avec Albert Schweitzer. Mais ce qui caractérise cette question, ce n'est autre que le doute sur l'historicité des récits des évangiles par recoupement avec les autres sources classiques qui nous renseignent sur l'histoire de la Palestine au premier siècle.

Pas de trace de doute dans cette "biographie historique" de Jésus menée par un prêtre pour qui, selon son propre aveu, "l'histoire est une aventure spirituelle" mais si Henri-Irénée Marrou, auteur de la citation, savait faire la part des choses entre les questions spirituelles et scientifiques, l'auteur de cette "somme" fait oeuvre apologétique, il veut prouver que si l'on ne peut parvenir au Jésus de l'histoire, il y a néanmoins pour l'auteur une vraisemblance aux récits évangéliques, avec une lecture de l'histoire où les protagonistes sont guidés par une volonté qui leur est extérieure.

Desclée de Brouwer, Paris, avril 2016, 840 pp. 22€

Bien plus argumenté et ô combien passionnant, l'ouvrage de l’exégète suisse Daniel Marguerat est aux antipodes même s'il prétend poursuivre le même objectif de "recherche du Jésus de l'histoire". Il s'agit en fait non pas tant de Jésus tel qu'il a pu exister mais de Jésus en tant que construction historique. Comment son histoire a été racontée ? Comment les récits se sont construits et comment ils ont évolué dès les premières décennies du christianisme ?

Premiers historiographes, les évangélistes ont construit une figure historique qui existe et c'est précisément en prenant cette perspective que l'on retrouve la bonne distance entre ce qui nous est dit de Jésus et celui qu'il fut probablement. Une série de quatorze conférences qui brosse un tableau complet de cet évènement, à tout le moins, que fut l'émergence de Jésus dans son époque.

Labor et Fides, Genève, 2016, 320 pp., 21,90€

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