L’histoire vraie de Philomena Lee, jeune irlandaise
contrainte au début des années 50 d’accoucher de son fils, conçu hors mariage,
dans un couvent et de rester y travailler en contrepartie pour finalement se
voir arracher son fils, adopté par un couple de riches américains, est
bouleversante à plus d’un titre.
D’abord sur le scandale et la légitime colère, incarnée par
Martin Sixsmith, le journaliste interprété par Steve Coogan, devant cette
Église irlandaise. Hier persuadée de son droit de disposer à son gré des vies
et des enfants de ces filles de « mauvaise mœurs », à qui l’on peut
enlever leurs enfants comme on le ferait à des animaux. Aujourd’hui encore
persuadée de son droit à cacher la vérité en faisant croire à Philomena n’avoir
aucune trace des parents adoptifs et, en même temps, faisant croire à son fils
que sa trace a été perdue. Un double mensonge insupportable mais pourtant une
culpabilité réelle puisqu’il a fallu brûler les éléments de preuves, et cacher
cette sœur Hildegarde dont la franchise accable encore l’Église.
Ensuite sur le destin de cette femme qui a vécu toute sa vie
dans l’absence de ce fils, Anthony, et dans l’incertitude de ce qu’il a pu
devenir. Une inquiétude tout entière résumée dans la litanie des craintes dites
au pied du Lincoln Memorial, « et
s’il était obèse ? ». La découverte de la réussite et du bonheur
de ce fils, rebaptisé Michael, brillant fonctionnaire de la Maison Blanche,
allégeant à posteriori la peine puisqu’il aura finalement eu une vie bien plus
belle que celle qu’elle aurait pu lui offrir.
Bouleversant aussi par ce sentiment de culpabilité diffus
que l’Église voudrait bien entretenir mais dont Philomena ne parvient pas à se
persuader. Exprimant le plaisir qu’elle a eu avec le père de l’enfant, elle n’a
aucun regret de ce qu’elle a fait et c’est dans un confessionnal américain,
devant ce prêtre ignorant de toute son histoire, qu’elle comprend enfin qu’elle
n’a rien à se reprocher, qu’elle n’a rien à confesser.
Le vrai Michael Hess en visite au couvent |
Bouleversant enfin par le destin de cet enfant, né Anthony,
devenu Michael, mais qui n’aura jamais oublié la terre d’Irlande et aura toute
sa vie cherché sa mère, sans se résoudre à croire qu’elle ait pu l’abandonner.
C’est la rencontre de deux souffrances, celle de la mère à qui l’on arrache son
enfant et celle de l’enfant qui croit avoir été rejeté. C’est dans le couvent
où le drame de la séparation s’est joué qu’il sait qu’elle le retrouvera.
C’est l’histoire d’une prise de conscience et d’un pardon.
Alors que Philomena est restée toute sa vie dans une forme d’acceptation/refus
de l’injustice, sans jamais en vouloir aux sœurs ni jamais se résoudre
complètement à oublier, elle comprend, grâce à la colère de Martin, à la
souffrance de Pete, l’amant de Michael, et enfin à la violence de sœur
Hildegarde que la faute n’est pas de son côté mais que le pardon est sa force.
Philomena devient réellement chrétienne lorsque devenue
lucide et confrontée à la haine, elle pardonne sincèrement à Hildegarde et avec
elle à toute l’institution. Elle passe de l’acceptation soumise, de
l’intégration d’un discours sur elle-même, à une rédemption personnelle et
collective. C’est parce qu’elle est sortie de l’ignorance, du mensonge et de
l’hypocrisie qu’elle peut réellement se réconcilier avec sa propre histoire et
pardonner à ceux qui l’ont offensée
Une magnifique leçon pour tous ceux dont l’existence est
faite d’ombres et de silences.
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