Soyez donc parfaits, comme votre Père céleste est parfait.

Dimanche 10 mai 2020 : 48 Soyez donc parfaits, comme votre Père céleste est parfait.

48 Ἔσεσθε οὖν ὑμεῖς τέλειοι ⸀ὡς ὁ πατὴρ ὑμῶν ὁ ⸀οὐράνιος τέλειός ἐστιν.

48 Esesthe oun humeis teleioi hôs ho patêr humôn ho ouranios teleios estin

1 Que votre cœur ne se trouble pas. Croyez en Dieu, croyez aussi en moi. 2 Il y a beaucoup de demeures dans la maison de mon Père. Sinon, je vous l’aurais dit ; car je vais vous préparer une place. 3 Donc, si je m’en vais et vous prépare une place, je reviendrai et je vous prendrai avec moi, afin que là où je suis, vous y soyez aussi. 4 Et où je vais, vous en savez le chemin. 5 Thomas lui dit : Seigneur, nous ne savons où tu vas ; comment en saurions-nous le chemin ? 6 Jésus lui dit : Moi, je suis le chemin, la vérité et la vie. Nul ne vient au Père que par moi. 7 Si vous me connaissiez, vous connaîtriez aussi mon Père. Et dès maintenant, vous le connaissez et vous l’avez vu. 8 Philippe lui dit : Seigneur, montre-nous le Père, et cela nous suffit. 9 Jésus lui dit : il y a si longtemps que je suis avec vous, et tu ne m’as pas connu, Philippe ! Celui qui m’a vu, a vu le Père. Comment dis-tu : Montre-nous le Père ? 10 Ne crois-tu pas que je suis dans le Père et que le Père est en moi ? Les paroles que je vous dis ne viennent pas de moi-même ; le Père, qui demeure en moi, accomplit ses œuvres. 11 Croyez-moi, je suis dans le Père, et le Père est en moi. Sinon, croyez à cause de ces œuvres. 12 En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui croit en moi fera, lui aussi, les œuvres que moi je fais, et il en fera de plus grandes, parce que je m’en vais vers le Père 13 et tout ce que vous demanderez en mon nom, je le ferai, afin que le Père soit glorifié dans le Fils. 14 Si vous demandez quelque chose en mon nom, je le ferai.

Jean 14, 1-14

La conclusion de nos antithèses n'en est pas une. Jésus termine cette séquence en reprenant à son compte, en la modifiant comme à son habitude, la formule liturgique rituelle: « Soyez saints, car je suis saint » que l'on trouve dans la répétition de la loi dans le livre du Lévitique (19, 2). À la notion hébraïque de sainteté (קָדוֹשׁ - qadosh), il substitue celle de perfection (téleios – τέλειος) en évitant soigneusement de distinguer entre sacré et profane ou entre pur et impur, les catégories religieuses traditionnelles. Il n'y a pour Jésus rien de sacré ni de profane, ni de pur ni d'impur, il n'y a que la sainteté qui soit une perfection.

Remarquons avant tout la cohérence du discours de Jésus. Après les Béatitudes qui décrivent le Royaume de Dieu (Matthieu 5, 1-10), il détaille son interprétation de la charte du Royaume que constitue pour lui la thora (Matthieu 5, 17-48) avant d'orienter ses auditeurs vers ce « Père qui est aux cieux » à qui il faut adresser sa prière, le Notre Père (Matthieu 6, 9-13) où l'on retrouve la même expression du Père céleste.

Cette notion de père qui est aux cieux vise précisément à nous rappeler que la perfection n'est pas, et ne doit pas être, de ce monde (voir notre première méditation du 3 avril). Comment donc Jésus peut-il vouloir que nous soyons parfaits ? D'autant plus que l'histoire s'est chargée de nous démontrer que la recherche de perfection du monde, de perfection de la foi et de perfection de la vie rime plus souvent avec totalitarisme, intégrisme et fanatisme qu'avec liberté, égalité et fraternité.

Là encore il faut revenir au texte et à ce qu'il nous dit plutôt qu'à ce que nous pensons déjà en savoir : le mot « téleios », traduit par « perfection », a donné le français « téléologie » qui est au sens propre l'étude des fins, c'est-à-dire des raisons d'être des choses. Pourquoi y-a-t-il quelque chose plutôt que rien ? C'est la grande question des philosophies qui donne lieu à la suivante : l'histoire a-t-elle un sens ? Et si oui, lequel ? Allons-nous vers la fin ? La crise que nous vivons annonce-t-elle la fin du monde ? Est-elle due à nos manquements ou à nos erreurs ? À la destruction et la prédation du monde que nous poursuivons chaque jour ? Ou est-elle une péripétie de l'histoire qui continuera à suivre son cours dans la grande solitude de l'homme perdu dans l'univers ? Autant d'anxiétés qui nous inquiètent, entre l'annonce d'un monde qui sera forcément autre (meilleur ?) que celui que nous avons connu d'une part et le jugement sur le monde que nous laissons derrière nous d'autre part.

Mais « téleois » est aussi proche de « thélêma » que nous retrouvons dans la prière « Que ta volonté ( thélêma ) soit faite ! » et nous avons vu que ceux qui font la volonté du père céleste sont tous ceux qui se dévouent au service de leurs prochains pour permettre à chacun de continuer à vivre, pour accroitre la justice et valoriser toutes les formes de solidarité qui manifestent l'amour sans lequel il ne peut y avoir de véritable justice (voir notre méditation du 6 avril).

La perfection dont parle Jésus n'est pas un état définitif, aussi figé qu'un bloc de glace. Elle est question de volonté, de liberté et de choix. Le monde de l'après-crise n'est pas écrit, il n'est pas décidé mais il dépend de chacun et chacune d'entre-nous. Lorsque nous disons que le Christ est le « chemin, la vérité et la vie », c'est une manière d'affirmer que nous ne sommes pas impuissants ni laissés à nous-mêmes. Lorsque Thomas lui demande comment il faut vivre pour être à la hauteur de l'espérance du Royaume de Dieu, Jésus lui répond que c'est en faisant un choix. Celui de ne pas être le sujet passif d'une histoire qui se déroulerait sans nous et sur laquelle nous n'aurions aucune prise.

Donner du sens aux réalités avec le Notre Père, faire des Béatitudes notre vérité, suivre le chemin des commandements et les rendre effectifs aujourd'hui, c'est manifester notre volonté : celle du monde que nous voulons et de la vie que nous voulons vivre.

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De très nombreuses analyses circulent pour envisager le monde à venir, parfois dans des perspectives catastrophiques, parfois utopiques et parfois pleines d'espérance pour une monde plus généreux, plus fraternel en tout cas plus humain.

C'est cette dernière perspective que, ne voulant pas rester dans le contexte de l'actualité, mais rechercher du sens et des principes directeurs pour cette vie nouvelle qui nous attend, nous poursuivons avec vous nos méditations théologiques car nous sommes persuadés que "Penser Dieu, ce n'est pas autre chose qu'une certaine manière de penser le monde".

Après le Notre Père, les Béatitudes, le Décalogue, c'est maintenant les "antithèses" de Jésus (Vous avez entendu (…) mais moi je vous dis…" qui nous intéressent

Elles se trouvent dans l'évangile de Matthieu au chapitre 5, versets 17 à 48
 
Dimanche 3 mai 2020 : Je suis venu non pour abolir, mais pour accomplir.



Dimanche 10 mai 2020 : Soyez donc parfaits, comme votre Père céleste est parfait.

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