Mais moi, je vous dis de ne pas résister au méchant.

Vendredi 8 mai 2020 : 38 Vous avez entendu qu’il a été dit : Œil pour œil, et dent pour dent. 39 Mais moi, je vous dis de ne pas résister au méchant. Si quelqu’un te frappe sur la joue droite, tends-lui aussi l’autre. 40 Si quelqu’un veut te traîner en justice, et prendre ta tunique, laisse-lui encore ton manteau. 41 Si quelqu’un te force à faire un mille, fais-en deux avec lui. 42 Donne à celui qui te demande, et ne te détourne pas de celui qui veut emprunter de toi.

38 Ἠκούσατε ὅτι ἐρρέθη· Ὀφθαλμὸν ἀντὶ ὀφθαλμοῦ καὶ ὀδόντα ἀντὶ ὀδόντος. 39 ἐγὼ δὲ λέγω ὑμῖν μὴ ἀντιστῆναι τῷ πονηρῷ· ἀλλ’ ὅστις σε ⸀ῥαπίζει ⸀εἰς τὴν δεξιὰν ⸀σιαγόνα, στρέψον αὐτῷ καὶ τὴν ἄλλην· 40 καὶ τῷ θέλοντί σοι κριθῆναι καὶ τὸν χιτῶνά σου λαβεῖν, ἄφες αὐτῷ καὶ τὸ ἱμάτιον· 41 καὶ ὅστις σε ἀγγαρεύσει μίλιον ἕν, ὕπαγε μετ’ αὐτοῦ δύο. 42 τῷ αἰτοῦντί σε ⸀δός, καὶ τὸν θέλοντα ἀπὸ σοῦ δανίσασθαι μὴ ἀποστραφῇς.

39 egô de legô humin mê antistênai tô ponêrô

1 Heureux l’homme qui ne marche pas selon le conseil des méchants, Qui ne s’arrête pas sur le chemin des pécheurs, Et qui ne s’assied pas sur le banc des moqueurs, 2 Mais qui trouve son plaisir dans la loi de l’Éternel, Et qui médite sa loi jour et nuit !

Psaume 1, 1-2

De cette parole de Jésus, il arrive souvent que l'on ne retienne que le fameux principe de la loi du talion « œil pour œil, dent pour dent » en arguant que Jésus ne l'a pas aboli comme il n'a pas aboli les autres commandements. Il serait en conséquence normal pour un chrétien d'agir suivant ce principe de réciprocité et de mesure que préconise le talion. En effet, le talion est avant tout une limitation de la violence, il s'agit de ne pas s'enfermer dans un cycle de vengeance mais de laisser la place à un principe de juste compensation. C'est d'ailleurs le germe de nos systèmes judiciaires contemporains suivant le principe que toute faute peut être d'une certaine façon réparée par une juste sanction. C'est toute l'architecture de notre Droit et de la proportionnalité de la peine qui découle de ce principe biblique du talion.

Jésus parle ici du « méchant (ponêrô) », le substantif du terme générique « mal (ponêrou) » qu'il utilisera dans le Notre Père, dans sa formule « ne nous soumets pas à la tentation mais délivre nous du mal ». Ce qui dans notre méditation du Notre Père signifiait « ne pas céder à la désespérance en baissant les bras devant l'immensité de la tâche ». Sous le terme de « tentation » se cachent nos angoisses et notre peur de manquer, notre indifférence à ce qui arrive à d'autres et notre satisfaction de nous voir épargnés, notre intérêt à ne pas vouloir être « gardiens de nos frères » (voir notre méditation du 9 avril 2020).

Ce que Jésus suggère dans son interprétation du talion est, dans le même esprit que sa prière, de « ne pas hurler avec les loups » en cherchant aujourd'hui des boucs émissaires à ce qui nous est arrivé. C'est aller à contre-courant des nombreux prophètes de malheur qui nous annoncent des jours encore pires, à contre-courant du catastrophisme et de la résignation. Non pas pour nous voiler la face mais pour nous préoccuper aujourd'hui de ce qui arrivera demain, pour nous préoccuper aujourd'hui de celles et ceux qui sont encore plus fragilisés et ont encore plus besoin de nos solidarités individuelles et collectives.

S'il faut faire toujours un « deuxième mille », c'est aussi qu'il ne faut jamais abandonner la possibilité de convaincre et d'agir. S'il faut « donner à celui qui emprunte », c'est qu'il ne faut pas tourner le dos à celui ou celle qui a besoin de nous. À aucun moment, Jésus ne prétend faire de ses disciples des victimes naïves de la violence d'autrui, devant simplement se mettre en retrait et tendre l'autre joue, spectateurs passifs du spectacle du monde. Au contraire, la méditation de la loi de Dieu à laquelle nous invite le psaume 1 ne nous conduit pas à une approbation du monde tel qu'il est mais au contraire à une critique de tous ses aspects destructeurs. Lorsque nous détruisons la beauté du monde créé par Dieu, lorsque nous détruisons la dignité de l'homme créé à son image, lorsque que nous prétendons n'avoir de compte à rendre qu'à nous-mêmes, Jésus nous demande de nous « écarter (antistênai, ne pas résister)» du méchant. C'est-à-dire de l'exploiteur, de l'oppresseur, du manipulateur, en définitive du séducteur pour ne pas tomber dans ses pièges.

Ce petit écart, ce petit pas de côté, c'est refuser d'ajouter, par nos actes et nos paroles, au désordre du monde et c'est, paradoxalement, à un véritable esprit de résistance que nous engage Jésus.

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De très nombreuses analyses circulent pour envisager le monde à venir, parfois dans des perspectives catastrophiques, parfois utopiques et parfois pleines d'espérance pour une monde plus généreux, plus fraternel en tout cas plus humain.

C'est cette dernière perspective que, ne voulant pas rester dans le contexte de l'actualité, mais rechercher du sens et des principes directeurs pour cette vie nouvelle qui nous attend, nous poursuivons avec vous nos méditations théologiques car nous sommes persuadés que "Penser Dieu, ce n'est pas autre chose qu'une certaine manière de penser le monde".

Après le Notre Père, les Béatitudes, le Décalogue, c'est maintenant les "antithèses" de Jésus (Vous avez entendu (…) mais moi je vous dis…" qui nous intéressent

Elles se trouvent dans l'évangile de Matthieu au chapitre 5, versets 17 à 48
 
Dimanche 3 mai 2020 : Je suis venu non pour abolir, mais pour accomplir.


Vendredi 8 mai 2020 : Mais moi, je vous dis de ne pas résister au méchant.

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