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Tant va la cruche à l'eau...

… qu'elle se casse!

Ainsi de La lutte des classes de Michel Leclerc co-écrit avec Baya Kasmi où l'histoire de ce couple de bobos, confronté à sa propre désillusion quant à la mixité sociale devenue impossible dans une ville de banlieue parisienne.

On y croit pourtant à leur sincérité et à leur désarroi quand leur fils Corentin se retrouve seul "petit blanc" alors même qu'il est "blanc-beur". On espère avec eux que l'ascenseur social fonctionne encore et on désespère quand Sofia se rend compte qu'elle n'est jamais que l'arabe de service dans le cabinet d'avocat. Elle qui,enfant, rêvait depuis sa tour d'habiter un jour dans une de ces petites maisons proprettes avec jardin qu'elle voyait de sa fenêtre. Paul, lui, musicien punk anti-social mais voulant à toute force faire société avec des gens qui sont aussi différents de lui qu'il l'est de la bonne société bourgeoise.

C'est l'effondrement, au sens propre d'un des piliers de ce que l'on appelle encore le "pacte républicain". Pour qu'il y ait "pacte", il faut encore que les promesses soient tenues or la République est ici celle du délaissement et du chacun pour soi dans son enfermement et ses faux-semblants. C'est l'école qui s'effondre à force d'avoir peur des mots et des réalités qu'ils désignent. Le réalisateur et sa scénariste (son épouse à la ville) semblent avoir eux-mêmes peur de ce qu'ils montrent, de cette société où des enfants peuvent s'envoyer en enfer avec la "bénédiction", plutôt la "malédiction" des parents, où la religion est plus présente dans l'école publique que dans l'institution privée catholique, où un enfant de neuf ans doit revendiquer "d'être quelque chose" pour exister, peu importe en quoi l'on croit, la seule chose qui importe c'est d'être "croyant".

En posant la question, Michel Leclerc n'ose pourtant pas aller au bout de sa charge contre cette assignation à une identité, qu'elle soit croyante, ethnique ou sociale. Il lui faut une fin heureuse et c'est un voile musulman, mais "fabriqué en Chine", qui devient la solution avant le charivari final. Quand on oublie le "grand soir" et qu'on ne veut pas "l'apocalypse", ne reste plus que la bacchanale où tout se vaut. Derrière la farce, la manipulation gâche le film qui nous laisse bien malaisants.

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