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Une affaire de famille, adopte tes parents !

L'adoption est un thème éminemment théologique et particulièrement en protestantisme où, à côté d'une "théologie de l'alliance" propre à ses racines juives, s'est développée, notamment avec Jean Calvin, une "théologie de l'adoption" pour caractériser la relation entre Dieu et le fidèle.


Chacun des membres de cette étrange famille que nous présente Hirokazu Kore-eda est ainsi adopté par les autres dans un enchevêtrement de relations dont on ne saura jamais tout à fait la vérité. Croyant au départ avoir à faire à une vraie famille réunissant trois générations, une grand-mère, deux soeurs, le mari de l'une et le fils du couple, la famille recueillant une petite fille laissée à elle-même sur un balcon entre deux volées de coups de ses parents immatures, le spectateur est, à partir de cette étrangeté de départ, introduit dans la complexité des liens qui unissent chacun des membres de ce qui s'avère être plus une communauté qu'une famille. 

Car chacun, de la grand-mère, Hatsue, à la petite fille, Juri/Rin en passant par les femmes, Aki et Nabuyo, "l'époux", Osamu, le fils, Shota, chacun d'entre eux a été, à un moment ou à un autre de son existence, laissé pour compte, laissé comme Juri sur le balcon de l'existence, dans le froid entre les coups. Hatsue par son mari l'abandonnant à sa solitude, Aki par ses parents qui se fichent de savoir si elle est vraiment en Australie, Nabuyo par son ancien mari qui la battait, Osamu plombé par son impuissance, à la fois virile et sociale, Shota sur une banquette arrière par des parents indignes.

Abandonnés par ceux qui auraient dû les protéger, les aimer, les entourer, ils retrouvent une solidarité et une chaleur humaine dans ce capharnaüm où chacun partage ou non son secret, son quotidien et s'évertue à reproduire ce qui aurait normalement dû être, une famille. C'est une lutte obstinée contre le destin afin de se redonner l'illusion d'être le maître de sa vie. C'est en tout cas la tentative désespérée des adultes. 

Quant aux enfants, ils luttent aussi contre leur destin. Shota en comprenant l'illusion dans laquelle ses "parents", ceux qui "l'ont sauvé", ont voulu l'élever. Prenant conscience de lui-même par petites touches, il se sauve en voulant sauver Juri. Il aura fallu cet acte de liberté de Shota pour qu'enfin Osamu et Nabuyo lui offrent la seule chose dont il avait besoin, lui dire enfin la vérité, qui est déjà toute entière dans le fait de cesser de lui mentir. C'est la condition pour qu'il puisse vraiment reconnaître Osamu comme son "papa"!

Quant à Juri/Rin, elle se retrouve à nouveau sur son balcon mais elle a une force nouvelle qui lui permet de dire "non" malgré ses trois-quatre ans. Et si elle se lève pour regarder au-delà du balcon, c'est parce qu'elle sait que viendra sa délivrance car elle sait maintenant ce que c'est que d'être vraiment aimée par une maman et peu lui importe que ce ne soit pas la "vraie" pourvu que ce soit celle du cœur.

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